L’avenue Ponty à la place de la place de l’indépendance. « A l’impossible nul n’est tenu », dit-on…
Il est seize heures dans la capitale sénégalaise. Le triste décor qu’offre la place de l’indépendance transformée ces derniers jours en grand- place spécial aménagé par des forces de l’ordre, nous apparaît. Un grand tour du côté d’un hôtel situé dans les parages nous aura permis d’accéder à ce lieu tant mythique dans l’histoire du Sénégal.
A peine effectuions-nous quelques pas qu’un policier nous intima l’ordre de nous diriger vers la Mairie de Dakar lorsque nous nous décidâmes de traverser la place à hauteur de l’avenue Albert Sarraut. De ce pas, nous eûmes la malchance de passer derrière le char lance-eau de couleur noire appelé dragon, tout autour se trouvaient cinq policiers surarmés, mettant en évidence des bombes de gaz lacrymogènes.
A l’impossible nul n’est tenu.
Le tour fut fait. Devant l’impossibilité de rejoindre le lieu du rendez-vous, nous constatâmes un regroupement de personnes mises en évidence par les énormes micros de journalistes qui procédaient à des interviews et reportages.
Une habitude bien sénégalaise expliqua le retard intervenu pour le démarrage du sit-in annoncé la veille. Plus tard on comprit par le biais d’informations distillées lors des éditions spéciales organisées par radios locales. Les journalistes qui assuraient la couverture médiatique du cortège des différents candidats bloqué dans certains endroits de Dakar donnaient au fur et à mesure leur emplacement. La police et les files de voitures des prétendants au fauteuil présidentiel en l’occurrence Ibrahima Fall, Cheikh Bamba Diéye et Idrissa Seck jouaient au chat et à la souris. Les limiers n’hésitant pas par moments de faire usage de leurs munitions, plus précisément leurs fusils lance-grenade en centre-ville. Les derniers avaient convié à leur rassemblement des personnalités telles que Youssou Ndour, Bara Tall ou le dignitaire religieux Serigne Mansour Sy Djamil.
La promenade assez spéciale que nous nous sommes permise sur l’avenue Ponty constitua une belle occasion, pour nous, de nous rendre compte de l’affluence que suscitait le nouvel appel de cet après-midi. Du côté du rond point Sandaga, les va-et vient étaient incessants. Que de passants déterminés du fait de l’allure qu’ils dégageaient : ils arboraient fièrement des tee-shirts, jeans, polo bref une tenue spéciale de combat ou plutôt de manifestant. A nos côtés, des curieux décidés à glaner le maximum d’informations pouvant les aider à procéder à un compte rendu fidèle des événements, immortalisant ces instants inédits avec leur caméra, appareils photo numériques ou téléphones portables.
Dix minutes plus tard, nous retournâmes sur l’avenue Ponty. Nous nous mîmes alors, devant un grand magasin fermé à l’image de la totalité de grandes boutiques ayant baissé rideaux, par craintes d’échauffourées, conséquences logiques prévisibles de tels rassemblements. A ce niveau, nous échangeâmes une poignée de mains avec le célébre rappeur Gunman Khuman, qui tenait à la main gauche une tasse de café fraîchement achetée. Très engagé et auteur de plusieurs morceaux dénonciateurs des régimes politiques du pays: l’ancien socialiste et l’actuel libéral. Le rappeur habillé en Jeans bleu, tee-shirt longue manche, foulard en bandoulière et chaussé de ses tennis, all star, noirs. Avec ses dreadlocks , il affirmait sur les ondes d’une radio de la place être présent sur les lieux puisque c’est le peuple qui l’exige. Tel Jean Paul Sartre, il se met en situation parce qu’il se sent concerné.
Un déplacement de quelques mètres, nous permit de jeter un coup d’œil sur des articles exposés au travers d’une vitrine d’un magasin. Ici, nous fûmes interpellé par un jeune homme trentenaire qui, catastrophé, à première vue ne manqua pas de nous demander, si les sandales de luxe de couleur verte qu’il désignait et qui coûtaient 51900 en période de solde étaient garanties à jamais. Cette question suscita des rires interminables. Une petite dose d’humeur n’y changea rien.
Un peu plus loin, un gars s’était accroupi et utilisait une pompe pour confectionner des affiches wadophobes. On pouvait y lire : « Wade démal (Wade allez vous-en) , Trop de morts, Tu es cerné ». Cet artiste du jour demanda aux gens qui s’affairaient à ses alentours de faire la même chose que lui au lieu de rester là à le regarder. La foule grandissait de façon spectaculaire. Ainsi, nous dûmes nous mettre du haut d’un perron pour voir par-dessus la tête des manifestants, les leaders qui s’était mis sur leur voiture 4X4.
Cheikh Bamba Diéye fut accueilli en héro après avoir procédé à son jeu favori la course poursuite avec les policiers pour mettre les pieds sur la place de l’indépendance. Il dut se mettre dans un taxi laissant derrière sa Nissan rutilante de couleur blanche.
Vers dix neuf heures, la police fit usage des grenades lacrymogènes lancées sur les manifestants. Dans la panique, la foule se dispersa, empruntant les rues adjacentes.
Une guérilla urbaine s’ensuivit un peu partout dans Dakar. Nos talents furent étalés : les manifestants n’avaient apparemment sous l’emprise de la peur rien à envier aux athlètes détenteurs des records mondiaux.
M. DIALLO Ibnou
Doctorant és Lettres Modernes, Option Grammaire Moderne
Professeur de Lettres Modernes ( ibndiallo@gmail.com)
par Ibnou Diallo, mercredi 22 février 2012, 17:17