MATCH ELECTORAL DU 26 FEVRIER : quatorze joueurs-candidats, trois joueurs disqualifiés, cinq juges arbitres, un peuple supporter, des observateurs internationaux…
Dans la vie, « il faut apprendre de ses erreurs » a-t-on l’habitude d’entendre. Pour cette fois-ci, nous utiliserons sous forme de métaphore filée (car elle se développe sur plusieurs lignes), le match de football pour parler de l’élection présidentielle du 26 Février 2012. Le prétexte nous est fourni d’abord par ce contexte faisant que la prochaine élection coïncide avec la Coupe d’Afrique des Nations, ensuite par un entraineur et ami féru de foot et très avisé, et enfin, à un degré moindre par les défenseurs zélés du président qui, pour se tirer d’affaire, convoquent le combat de lutte. Présentement nous ne choisirons pas cette discipline, parce qu’elle gagnerait à intégrer dans sa pratique des vertus propres au sport principalement : le fair-play.
En juin 2007, à l’occasion des élections législatives, l’opposition représentative nationale avait décidé de boycotter le scrutin en guise de représailles aux résultats de l’élection de la même année consacrant la réélection dés le premier tour du président Wade Abdoulaye avec 55,86% des suffrages exprimés. Ils décidèrent ainsi de ne pas y prendre part, conséquence logique, le parti au pouvoir dispose depuis cette erreur d’une majorité plus que confortable à l’assemblée nationale, en termes clairs toutes les lois y passent comme des lettres à la Poste. Une telle pratique n’est pas si commode avec la démocratie, dans la mesure où pour sa bonne marche, elle requerrait la séparation effective des pouvoirs, l’existence de contre-pouvoirs qui joueraient pleinement leur rôle.
A la veille de ce scrutin du 26 Février 2012, nombreux ont été ceux qui prônaient un nouveau boycott de l’opposition en mode opératoire, eu égard à leur dénonciation de la décision du conseil constitutionnel qu’on évoquera plus tard. Une telle suggestion n’est pas conforme au bon sens : le calendrier républicain devra être respecté et le rôle des politiques consiste à solliciter la voix des électeurs. Leur éventuel boycott n’empêcherait aucunement l’élection de se tenir tout au plus il faciliterait le forcing auquel les patriotes sénégalais assiste à leur corps défendant.
Dans la perspective de ce match électoral tant attendu et tant médiatisé, chaque candidat joueur fit sa préparation au sein d’équipes aux noms aussi accrocheurs les uns que les autres. Les licences furent déposées à la commission arbitrale qui dut trancher : le conseil constitutionnel tristement célèbre, ces derniers temps, avec ses cinq juges-arbitres. Seule instance habilitée à se prononcer en dernier lieu.
Après examen des dossiers-licences, les jugent arbitres prirent la décision de recaler trois joueurs candidats dont les licences n’étaient pas conformes aux règles prescrites : ceux-ci (trois joueurs candidats) avaient choisi de se présenter à titre individuel et non sous la bannière d’un quelconque parti politique. Ces trois joueurs disqualifiés n’auraient pas, ainsi, réussi leur test médical, bel alibi fort utilisé par les grands clubs de football avant de se séparer d’un joueur qui ne les intéresserait plus. Les joueurs en question sont Abdourahmane Sarr, Kéba Keinde et Youssou Ndour. Ce dernier a eu le mérite d’avoir attiré l’attention des média occidentaux vue son aura internationale.
Parmi les quatorze joueurs-candidats autorisés à se présenter figure une licence qui a été renouvelée une fois en 2007, pour un second mandat, est qui, contre toute norme électorale moderne est sujette à un autre renouvellement ; de fait, on aurait plus la séquence de 2007 à 2012 comme second mandat mais tout simplement deuxième mandat, en vue d’un troisième qui irait jusqu’en 2019. La règle de base est qu’on parle de second s’il n’y a pas de troisième. Or, le nombre de renouvellement d’une licence autorisé depuis 2000 était limité à un. Bizarrement son équipe de campagne avec son cortège de ministres aux portefeuilles stratégiques le présenta, malgré tout, procédant à une surcharge sur la licence de Abdoulaye Wade. En somme son équipe a commis une fraude (n’oublions qu’au lendemain du dépôt de la candidature du président sortant, Souleymane Ndéné Ndiaye était retourné rectifier en catimini au greffe du conseil constitutionnel le fameux dossier). Autre fraude probable, le candidat controversé bénéficierait d’une investiture spéciale : investi d’une part par son parti démocratique sénégalais et d’autre part par sa coalition FAL, alors qu’il devrait l’être par l’un ou l’autre. Une nouvelle la grammaire française a été torpillée au Sénégal du poète-académicien Léopold Sedar Senghor : la polémique entre les conjonctions de coordination « et » et « ou ». Contre toute attente surréaliste, les cinq juges arbitres laissèrent passer la fraude, la forfaiture. Ils confirmaient leur décision, le 31 Janvier, mettant le feu au poudre et permettant aux citoyens d’autres nations, de rire sous cape, car sachant que nous, africains, ne méritons pas la démocratie. Les juges arbitres ont pris le risque d’autoriser au joueur octogénaire de participer à la compétition partie pour durer trois semaines.
Le thé est servi ou selon les convenances le vin est tiré, alors buvons-les chers compatriotes. Les cinq juges arbitres ont démontré à quel point ils avaient pris parti pour un candidat qui avait auparavant reconnu ne pouvoir et ne vouloir sous aucun prétexte se représenter en 2012. Ils ont tous fait sauter le verrou : voilà que ces juges choisissent d’être plus royalistes que le roi Abdoulaye. Le match est truqué car ils ont accepté des avantages à la veille de cette année électorale. Ailleurs de tels faits avaient valu des poursuites judiciaires : qui ne se souvient pas de l’AFFAIRE OM-VA où il était question de corruption dans le football français, plus tard la Juventus avec ses scandales sportivo-financiers. Pour étayer nos propos, nous ne citerons que ces deux exemples.
Jusque là le peuple-supporter n’avait pas officiellement droit à la parole, mais celle-ci ne se donnant pas dans certaines circonstances : il l’arracha. Des marches de constations aboutirent à des arrestations, des blessés et des morts d’homme de tous côtés. Le peuple-supporter sénégalais, en toute souveraineté, jouera pleinement sa partition ce jour tant attendu. Ne gagnerait-on pas à avoir sous nos cieux des institutions crédibles pour éviter d’aussi légitimes contestations.
En dernier ressort, les observateurs dépêchés pour ce scrutin, depuis quelques semaines, par l’Union Européenne, ceux qui seront désignés par les instances africaines et locales ; et ceux qui sont restés chez eux, leur travail se fera en toute impartialité. Le match aura probablement lieu et chacun s’acquittera de son devoir. Pourvu que le peuple sénégalais en sorte grandi, respectueux et digne dans l’intérêt de notre jeune Histoire.
M. DIALLO IBNOU
Doctorant ès Lettres Modernes, Option Grammaire Moderne
Professeur de Lettres Modernes ( ibndiallo@gmail.com)
par Ibnou Diallo, dimanche 5 février 2012, 14:07