Vrai faux coup de gueule des abonnés de 3D. L'imam nous donna une leçon de conduite.
Partie 1
Mercredi 8 Mai 2013. A 16 heures et cinq minutes, nous arrivâmes au succursale de la société Dakar Dem Dikk, sis au garage Petersen. En tant qu’abonné, nous sommes tenus de nous payer une vignette mensuelle : le 8 de chaque mois.
Comme à l’accoutumée la file fut longue. Des abonnés attendent tranquillement dans une petite pièce aux rideaux bleus et aux chaises à peine confortables. Disons le, sur place nous n’eûmes pas droit à un ventilateur, encore moins à un climatiseur, télé ou nous ne savons quel autre matériel de luxe.
N’ayant pas pu trouver une place assise dans cette « salle » exiguë, nous restions debout, dehors. Ainsi, nous donnions libre cours à nos pensées. Nous nous souvînmes d’un épisode. Il s’agissait le 8 Avril passé d’un autre abonné qui nous reprochait le fait de prendre , en premier notre vignette avant de donner aux autres qui attendaient, la leur.
Une certaine pratique voudrait que l’on serve d’abord, avant de se servir. Néanmoins, nous préférâmes garder avant de distribuer. Et puis, nous pensions que l’essentiel serait que chaque abonné reçoive sa vignette.
Pour en revenir à la réalité ; notre attente fut vaine ce mercredi. En effet, au bout de plus de quarante minutes, on nous servit une information qui ne faisait pas notre affaire : faute d’états provenant des ministères avec d’éventuels désistements, nous étions obligés de rentrer chez nous ; en attendant le vendredi 10 puisque le jeudi était férié, c’était l’Ascension.
Une femme voulut négocier. Elle se rendit au bureau du responsable. Mais celui-ci lui indiqua qu’il faisait sa caisse. Rappelant que la vignette du mois d’Avril serait toujours valable jusqu’au 10 du mois courant. Par conséquent, nous fîmes contre mauvaise fortune bon cœur.
A l’impossible nul n’étant tenu, nous retournâmes sur nos pas. Nous supportions à peine cette pollution sonore qui faisait le charme du marché de Petersen. A une vingtaine de mètres de l’école des Anciens combattants Papa Gueye Fall, un homme, en caftan mode « baye fall » avec des coupons de tissus assemblés artistiquement, essaya, sans avoir salué auparavant, d’avoir droit à une réponse à sa question : cet imposant bâtiment devrait sûrement abriter un centre commercial ? Nous n’en savions rien. Et puis, nous ne nous sentions pas interpellé, du moins officiellement, peut-être parce que nous étions furieux suite à notre désillusion.
Partie 2
Vendredi 10 Mai. Redoutant le scénario sitôt présenté, nous quittâmes plus tôt que d’habitude notre lycée. A 12 heures et trente deux minutes, nous nous retrouvions dans la même salle d’attente, avec une place assise, cette fois-ci. Juste le temps de nous installer, pour nous rendre compte de cette évidence : le même problème se posait. Nous n’avions pas de couverture officielle de nos Ministères de tutelle respectifs.
Une question vous taraude l’esprit, chers lecteurs. Pourquoi ne pas aller au service prévu à cet effet ? Pour notre part, nous pouvions certes nous rendre à l’Inspection Départementale, le cas échéant nous recevrions notre vignette avec un jour de retard et des frais supplémentaires, 250 francs le plus souvent.
De vrais Sénégalais :
Dieu sait que nous avions tous tort, mais nous donnions l’impression d’avoir raison. Nous nous inscrivîmes sur la liste de plus d’une vingtaine de noms que détenait un homme presque quarantenaire. Il portait un caftan de couleur marron. Il nous fit savoir qu’il avait pris la décision de ne plus prendre l’argent des derniers venus, pour éviter des histoires de monnaie. Il avait à sa main droite des billets de 5000 frs, 10000frs, 2000frs et 1000frs. Notre observation, nous aura permis d’assister à plusieurs récriminations :
-En caftan vert du haut de ses chaussures noires, un vieux très remonté disait : voyez, nous tous cherchons la même chose et avons quitté nos lieux de travail ; le Sénégal est bloqué. Ces agents de la société 3D ne nous respectent pas. Ce n’est pas parce que les nôtres sont subventionnées par l’Etat qu’ils préfèrent vendre les vignettes privées en nous laissant dans cette attente angoissante. A l’heure du numérique, un tel dysfonctionnement est inconcevable.
-Une dame avec son teint un peu « xessalisé », qui nous vit prendre des notes, ne manqua pas de nous interroger en ces termes : « vous êtes journalistes ? ». Nous lui répondîmes non. Elle joua pleinement son rôle, muni d’un pan de carton qui lui servait d’éventail pour se prémunir de cette chaleur torride. Dakar Dem Dikk parle de carte magnétique prochainement. Vivement que ça vienne. Ils font cette campagne publicitaire alors qu’ils sont incapables de gérer cette clientèle. Regardez cet homme en chemise bleue et pantalon marron, il dit être là depuis 9h.
L’attente devenait de plus en plus anxieuse. 13 heures 35 minutes, l’heure de la grande prière du vendredi approchait à grands pas. Ceux qui étaient venus à la recherche de désistements se désistent à leur tour en récupérant leur argent, ce qui entraînait, de facto, la suppression de leur nom sur la liste. Quelques minutes après, l’agent comptable quitta son bureau et nous fit savoir que sa pause prendrait fin à 15 heures.
-Vêtu d’un caftan blanc, le gars en teint noir qui nous avait reconnu déplora ces va-et-vient incessants qu’on nous imposait.
Après hésitation, nous décidâmes finalement d’aller prier à la Grande mosquée située à moins de trois minutes de marche. Sitôt sorti des locaux, nous pûmes trouver une bouteille d’eau de fortune que nous prêta un mécano pour nos ablutions.
Sans natte, nous allions à l’aventure prier. Le soleil dardait ses rayons sur les fidèles qui prenaient congé de leurs activités. Dés que nous franchîmes, le seuil de la mosquée, nous nous mîmes à la recherche d’une place que nous trouvâmes quelque part sur cette vaste esplanade ayant fait peau neuve, à la faveur du projet de pavage de la Mairie de Dakar.
La place tant souhaitée fut trouvée : nous nous assîmes sur une natte qui, en réalité, n’était qu’un sac vide de riz, utilisé à d’autres fins. N’ayant point d’alternative nous nous contentions de ça, nous disant que prier ne durerait pas une éternité.
L’imam assurait son sermon. Les haut-parleurs nous le relayaient. Les rayons du soleil nous rendaient la vie dure. Nous endurions cette difficulté, non des moindres. Notre imam reprit en boucle une dernière partie de son sermon constituée des trois derniers versets de la sourate intitulée « L’ouverture » et d‘une formule de sortie de prière. Il commençait à rendre intense notre souffrance.
Plus tard, nous débutâmes la prière tant attendue. Il récita le Coran de fort belle manière. Seulement, la prière tirait en longueur et nous supportions difficilement l’effet du soleil. Notre voisin de natte et nous tenions à peine sur nos deux pieds. En effet ce sac transformé ne faisait pas l’affaire. Si, de notre côté, nous avions mis nos chaussettes ce qui atténuait ne serait-ce que d’un cran la douleur ressentie ; le pauvre vieux qui nous avait invité faisait bouger ses pieds nus dont la plante brûlait vraisemblablement beaucoup plus que la nôtre.
Il a fallu que l’imam ait mis fin à la prière pour que les fidèles se levassent, sans attendre. Un gars d’un peu plus de quarantaine vint nous voir pour nous signifier que le sac ne pouvait aucunement nous rendre service.
Les commentaires fusaient de partout. Beaucoup plus que de simples commentaires : c’étaient des plaintes. Un seul constat était sur toutes les lèvres : l’imam malgré son climatiseur devrait penser à ceux qui étaient sous le soleil. Il ne réciterait pas de longues sourates, comme ce fut le cas tout de suite. « N’est-ce pas là, une manière indirecte de nous montrer que nous devions venir plus tôt pour occuper une place confortable ? » ; disions nous à l’un d’eux.
Retour au succursale de la 3D. Devant les locaux nous croisâmes deux lycéennes S.Barry et Kh. Diallo, en classe de Terminale S2 à Al Zahraa nous proposèrent de goûter à leur succulents, que disons nous, à leurs très épicés « madd local» ci-contre. Offre que nous déclinâmes poliment car nous craignions le cocktail explosif : sel + piment + sucre ne causât des effets indésirables. Peut- être, avions-nous plus envie d’un plat de riz que vendait les gargotes alentours.
Comme par enchantement, à la pile de 15h, un acheteur officiel muni de quelques états de commande arriva, il fut notre sauveur. Quarantenaire, de petite taille avec de grosses lunettes blanches, ce dernier avait le pouvoir de réconcilier la trentaine de clients, désemparés jusque-là, avec la bonne humeur, en achetant pour eux les vignettes.
Fait étrange : il était 15 heures et poussière et la pause de l’agent suivait toujours son cours. Une quinzaine de minutes après, chacun reçut sa vignette et vaqua tranquillement à ses occupations.
Nous avons sué avant d’avoir droit à ces fameuses vignettes. Une chose dont nous sommes c’est que ce fut une aventure inoubliable, digne d’un scénario écrit. Comme quoi, des abonnés souffrent avant de bénéficier pendant tout un mois de paisibles voyages à bord de bus DDD.
M. Diallo Ibnou
Chronique d’un usager des transports en commun