Pour les besoins des élections locales, nous avons décidé de faire le trajet Dakar-Saint Louis. Pour descendre sur cette ville tricentenaire, nous nous sommes rendus à la gare routière dénommée Pompiers.
Nous prîmes un « 7 places ». A dire vrai, la carcasse ne nous paraissait pas performante mais nous ne pouvions a priori en avoir le cœur net. En sus, nous n’avions vraiment pas le choix.
Ne pouvant nous mettre à l’arrière du « 7 places » assurant son tour, nous attendîmes un autre et eûmes droit à une place presque confortable : le confort n’y était pas.
A un quart d’heure de midi, nous quittâmes « Pompiers ». Un jeune conduisit la voiture et se gara à la sortie dudit garage. Sur place, il descendit et invita le vrai chauffeur, cinquantenaire, à le remplacer. A cet instant précis, notre voisin attira notre attention sur un fait inédit : la mise en marche ou l’arrêt du véhicule dépendait de l’association ou de la séparation de fils. Normal, le véhicule en question avait plus de 35 ans, à coup sûr.
Que d’appréhensions, alors. Nous pensions que ce « 7 places » n’assurerait pas. Arona, un client très taquin, assis à côté du conducteur formula des prières en vue d’un paisible voyage. A la fin, il lança :
-Vivement que tu aies des sous pour retaper ta caisse.
- Amine, répondit son interlocuteur.
Prés de l’échangeur de Hann, le chauffeur nous fit savoir que si nous le voulions, nous passerions par l’autoroute à péage. Il dira aussi qu’il donnerait la moitié de la somme requise. Nous nous cotisâmes malgré le refus de notre voisin de participer à cette quête. Celui-ci fait prévaloir ses principes.
Une des clientes qui se trouvait derrière avait du mal à se faire à cette initiative. Pour elle, il revenait au chauffeur le devoir de s’acquitter du ticket aux différentes gares de péage : Thiaroye et Rufisque.
Arona nous tenait en haleine tout au long du voyage, du moins tant qu’il ne dormait pas. Il était à court de forfait téléphonique et avait du mal à s’y faire. Vainement, il voulut qu’on lui envoya du ‘seddo’. Pour déstresser, il se contentait de tenter d’envoyer des messages avec à la clé, à chaque fois un bruit strident symbole de notification : message non envoyé.
A l’entrée de Kébémer, le chauffeur présenta au policier en faction ses papiers : il était apparemment en règle. Etonnant quand on sait qu’on a beau tenter de voir ce qui était normal dans ce véhicule. Aucune aiguille ne fonctionnait sur le tableau de bord, de Dakar à Saint Louis la ceinture de sécurité était juste posée en bandoulière pour donner l’impression de l’avoir attaché, deux à trois arrêts pour resserrer des écrous sur la jante, etc.
Arona et le chauffeur se donnèrent en spectacle : ils ont échangé des mots. Arona voulut téléphoner à partir du terminal du chauffeur ce que ce dernier refusa. Plus loin, le chauffeur qui portait un tee-shirt du politicien Ameth Fall Braya ne vit pas un dos d’âne de fortune prés de Louga. Il passa à toute vitesse. Arona hocha la tête, en signe de désolation.
Nous disions : « c’est pas intéressant ». Arona nous le reprocha. Il renchérissait :
- Arrêtez de dire « c’est pas intéressant ». C’est pourquoi nous sommes toujours sous développés.
Vers 16heures vingt minutes, nous arrivâmes à Saint Louis. Avant de nous séparer, nous discutions et évoquions l’état des véhicules « 7 places ». Le constat était fait : la plupart des véhicules retrouvés dans les gares r routières devraient être recyclés. La sécurité des Sénégalais est en jeu.
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