Nous étions sur notre trente et un, en mode costume cravate. Nous marchions d’un pas décidé ; à peine nous sommes-nous retourné, au hasard, que nous vîmes un bus articulé (double wagon) se dirigeait vers l’arrêt que nous tentions de rejoindre. C’était une occasion qu’il fallait saisir. De fait nous courûmes avant de nous engouffrer dans ledit bus.
Il s’agissait du 15, en provenance de Rufisque. Nous savions pertinemment que ce bus ne nous mènerait pas à notre destination mais nous le prîmes quand même ; histoire de multiplier nos chances, et de nous rapprocher, ne serait-ce que de quelques kilomètres de chez nous. Au demeurant, précisons que les bus venant de Rufisque ont deux itinéraires : soit ils passent par l’autoroute, soit ils traversent Yarakh. En sus, notons cette particularité : la ligne 15 en format articulé ne stationne pas à Colobane. C’est à cause de sa longueur, il ne pourra contourner le rond-point sis à la gare urbaine de Colobane. Conséquemment, de la Patte d’Oie il ne s’arrêterait qu’à la gare ferroviaire, prés du Port Autonome de Dakar.
Ainsi donc, notre option principale consistait à nous laisser conduire jusqu’à la Patte d’oie ; et à partir de là trouver un autre bus car nous nous servions de notre carte d’abonné, gage de liberté de mouvement. Une fois à l’intérieur du bus, nous présentâmes notre carte au receveur avant de nous faufiler entre les clients jusqu’à nous trouver à moins d’un mètre derrière le conducteur, car nous venions d’apercevoir la ligne 11 de Keur Massar-Lat Dior, à hauteur de la société NMA SANDERS, un peu après l’arrêt dénommé SIPS.
Nous étions à une position privilégiée. A partir de là, nous demandâmes au chauffeur de nous aider à rejoindre le 11. Ledit chauffeur nous lança :
-C’est bien. Je ne manquerai pas de faire signe à mon collègue, étant donné que tu me l’as dit à temps.
Nous sommes restés sur place et eûmes droit à un cours magistral animé par deux professeurs de la société DDD.
Le premier : c’était le chauffeur du bus : Trentenaire, vêtu d’un polo blanc de marque Lacoste, d’une écharpe assortie d’un bonnet de couleurs jaune, rouge, vert et noir, très prisés par les disciples de Bob Marley.
Le second : un vieux habillé de façon très spéciale : en mode double chemise, toutes deux de courtes manches aux couleurs criardes. Il avait une barbichette et une moustache de 3 à 4 jours.
A l’intersection de Bountu Pikine, non loin de la boutique Kiréne qui s’y trouve à droite; un client, après avoir appuyé sur le bouton rouge de la demande d’arrêt, se dirigea vers le conducteur en lâchant :
- S’il vous plaît, Chauffeur pourriez-vous m’aider à descendre en ouvrant la porte, avant que l’agent de la circulation en faction ne vous autorise à rouler ?
Le chauffeur lui souligna qu’il ne pourrait et ne devrait point lui accorder une telle faveur.
Le second qui n’était pas un client ordinaire prit la parole pour indiquer au demandeur que le prochain arrêt se situe aux Niayes. Il renchérissait : le chauffeur qui est là n’a pas le droit de t’autoriser à descendre.
Le chauffeur souligna ceci : nous, DDD, sommes particuliers. Je refuse parce que je ne dois pas déroger aux règles. Vous savez même avec un seul client nous nous déplaçons et respectons le chronogramme préétabli contrairement aux autres moyens de transports qui attendent des clients aux arrêts officiels et officieux. Il continuait si je me permettais de t’aider à descendre présentement, je ne déplacerais la voiture que si les portes ouvertes se refermeront : l’accélérateur n’est plus fonctionnel si les portes s’ouvrent.
Le second : Tu n’as même pas besoin d’appuyer sur l’accélérateur car on ne peut rouler avec ces nouveaux bus la porte ouverte. Et outre, au Sénégal, il y en a un qui te fait la demande, si tu lui accordes la faveur d’autres voudront en profiter. Et tu ne pourras pas revenir en arrière car tu auras déjà permis à un client de quitter. Un jour, j’avais autorisé un client de descendre, sans m’en rendre compte, un agent de la défunte SOTRAC l’a signalé à la direction qui n’avait pas manqué de me servir une Demande d’Explication. Devant la commission, j’ai assumé mes responsabilités. Alors j’ai écopé d’un avertissement. Le fait est que celui qui m’a causé un tel tort n’en saura rien. Ce qui l’intéresse c’est son besoin ponctuel. Les règles lui importent peu.
Le chauffeur reprit du service. Il soutint : notre société ne couvre point d’assurance en dehors des arrêts formels. Ce que la plupart des clients ne savent pas. Alors qu’on gagnerait à être disciplinés dans ce pays.
A l’arrêt des Niayes, il fit signe, comme promis à l’autre chauffeur qui ouvrit sa porte arrière pour que je m’y engouffrasse.
Vivement la discipline incluant le respect des arrêts formels dans les transports en commun !
Diallo Ibnou
Chronique huitiéme
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