Lundi 30 Décembre 2013 au WARC
Prévue à 16 heures, la cérémonie de présentation et de dédicaces du livre du Professeur Souleymane Bachir Diagne débuta avec un léger retard.
Cet écrivain est d’une courtoisie et d’une galanterie légendaires. Il dédicaça, exceptionnellement trois à quatre livres dont celui de Madame l’Ambassadrice de Suisse à Dakar, avant le début de la cérémonie officielle.
Mot de bienvenue
Prenant la parole pour souhaiter la bienvenue au public, M. Ousmane Séne, par ailleurs, Directeur du WARC, précisa que les minutes de retard découlaient de la sollicitation par le Pr Diagne du quart d’heure académique. M. Séne invita ensuite le public à venir le plus souvent possible au WARC dans le cadre de toutes les activités contribuant au rayonnement culturel du Sénégal.
Parlant du Professeur Felwine Sarr, M. Séne rappela, non sans le gêner, qu’il fut un brillant élève ayant pris part avec brio à l’émission Génies en herbes. Il termina son allocution en souhaitant, par anticipation, une bonne année à tout le monde.
La présentation du livre Comment philosopher en Islam ? Felwine Sarr, convaincant
Le Professeur Felwine Sarr se félicita de l’accueil chaleureux qui leur était réservé. Dés l’entame de son propos, il précisa que la nouvelle maison d’éditionJimsaan lancée avec Boubacar Boris Diop venait d’acquérir les droits du livre Comment philosopher en Islam ? paru ailleurs depuis quelques années.
Il retraça le parcours exemplaire du Pr Souleymane Bachir Diagne qui décrocha son bac scientifique « C » avant d’être agrégé en philosophie à l’Ecole Normale Supérieure. Poursuivant sa présentation, M. Sarr évoqua les différents ouvrages publiés par ce philosophe atypique.
Il en venait ensuite au livre du jour en l’occurrence Comment philosopher en Islam ? Un ouvrage de 150 pages composé de 9 chapitres. Louant l’intérêt du livre M. Sarr démontra que des thèmes aussi variés que ceux du libre-arbitre, de la prédestination, du coran créé ou incréé, etc. y trouvaient leur sens. La question implicite consistait alors à savoir comment demeurer fidèle au message ?
Pr Felwine Sarr passera en revue quatre des neuf chapitres. Au chapitre premier, il campa à l’instar du Pr Diagne le décor. Il y est notamment question du débat théologique couvrant la période du neuvième au vingtième siècle. Il évoqua la figure d’Avéroes.
Au chapitre sixième, M. Sarr maîtrisant son sujet insistera sur le fait que toute lecture était interprétation.
Au chapitre huitième, il fera un tour d’horizon de la philosophie réformiste. Et au chapitre neuvième, il sera question d’une philosophie du mouvement. Poursuivant son exposé, il ajoutera que le philosophe aura montré comment comprendre le temps. Il faut, selon lui, penser le temps autrement.
Pr Sarr dira pour conclure que le livre constitue un essai limpide dans le cadre de nos rapports avec notre tradition religieuse.
La parole à l'auteur : place à l'autre cours magistral
Dés l’entame de son propos, Pr Souleymane Bachir Diagne remercia le public tout en soulignant qu’il fut un des membres fondateurs du WARC. Notre très doué professeur soutiendra que Bergson est le philosophe du temps qui peut symboliser un état de perfectionnement et qui n’est pas aussi l’ennemi de la perfection.
Celui qui finira par se considérer comme un philosophe musulman bergsonien donnera deux exemples : la position des bras durant la prière et le début de la prière en prononçant « bismilahi » pour dire que nous ne saurons jamais avec exactitude ce qu’il en était du temps du prophète.
Notre brillant philosophe répondra à la question comment demeurer fidèle au message ? La réponse serait la suivante : dans les circonstances actuelles, comment auraient agi nos pieux ancêtres ?
Pour lui, il ne faut point avoir peur de l’innovation. Ainsi, il est nécessaire de ne pas se crisper contre le temps. Il s’agit, renchérissait-il, d’un message universel qui se fait innovation pour accompagner l’innovation. La vraie fidélité est dans le mouvement.
Pr Diagne invitera l’assistance à aller de l’avant. Avant de lancer ces phrases qui sonnent comme des maximes : là où nous voulons aller nous indique ce que nous devons faire. Le sens ne nous pousse pas dans le dos mais nous attire plutôt.
Nous devons construire, par principe, la tradition au présent. Etre fidèle concluait-il ce n’est pas opérer une résistance musclée.
Il y eut entre autres questions : comment savoir ce qui relevait du biddha ? Que faire avec nos confréries ? Quel est le statut du texte écrit après le prophète Mohamet PSL ? Place et rôle de la pensée critique ? Est-il possible de philosopher sans le voyage ? Comment philosopher à Tombouctou ? Pourquoi Tariq Ramadan fait peur à la France ?
En répondant, l’éminent Pr Souleymane Bachir Diagne montrera qu’il faut faire preuve de fidélité absolue à l’intention de la religion afin de ne pas parler de « biddha ».
Pr Diagne avouera les liens très étroits qu’il entretenait avec son professeur à l’Ecole Normale Supérieure Louis Althusser dont il regrettera le double drame à savoir l’assassinat de sa femme et sa mort à l’asile.
Pr Diagne reconnaitra que le coran est bien écrit après le prophète. Mais il soulignera aussi que l’unité profonde du coran découlait de la foi du lecteur même si la cohérence n’y serait pas toujours de mise.
Qui a raison ? Nous ne pouvons pas en décider car toutes les voies se valent. La contradiction est l’essence même de cette religion. Pour les confréries, Pr Diagne affirma qu’une véritépouvait se démultiplier de plusieurs manières. Toutes les interprétations comportent leur propre vérité. Sa compréhension du disciple est claire : il ne s’agit non pas de se débarrasser de sa raison mais de se confier à son maître comme un homme libre. Il y a un pluralisme de fait.
L’islam est une religion du voyage. Dieu prend soin de sa religion et parle dans le coran suivant des allégories : des images.
Pr Diagne n’est point pour l’enfermement. Il conseilla de ne pas se contenter d’être de simples répétiteurs ce qui freinerait l’intelligence.
S’agissant de la violence, il dira haut et fort qu’il nous faut éviter les arguments émotionnels. Dépassionner le débat car l’islamophobie n’est qu’une provocation. Tariq Ramadan est un intellectuel musulman cohérent qui dérange parfois une partie du monde occidental.
Pour les manuscrits de Toumbouctou, Pr Diagne est d’avis qu’il faut les faire vivre en les numérisant. Un livre, ajouta-t-il, n’a d’intérêt que s’il est lu, critiqué et discuté. Les auteurs des attentats dira-t-il, tout de go, ne sont pas des musulmans.
Professeur Souleymane Bachir Diagne fit preuve d’une grandeur d’esprit incommensurable lorsque la brulante question relative à l’université sénégalaise à travers les réformes initiées par la CNAES s’invita au débat. « Cet incident est derrière moi » dit-il. Je ne désespère des étudiants. Ils symbolisent une jeunesse plus déboussolée que méchante ou agressive. Il faut dialoguer avec eux et s’intéresser à ce qu’il y a de plus élevé en eux. La cérémonie prit fin sur la nécessité du dialogue philosophique.
Les interventions du public