Au WARC, s’est tenue la cérémonie de présentation et de dédicace des tout derniers ouvrages du Professeur Mamadou Diouf, Historien à Columbia University (USA), le 24 Juillet 2013.
La cérémonie débuta avec le mot de bienvenue du Professeur Boubacar Barry, du Département d’Histoire à l’UCAD désigné président de séance. Celui-ci donnera la parole à M. Ousmane Séne, Directeur du Centre de Recherche Ouest Africain ( WARC) qui en aura profité pour rendre hommage aux personnalités présentes sur les lieux, avec une mention spéciale aux fondateurs de sa structure.
Reprenant la parole, M. Barry précisa que M. Mamadou Diouf qui n’était plus à présenter du fait de ses sorties médiatiques n’était pas non plus qu’analyste politique.
Il évoqua, par ailleurs, les difficultés liées à la présentation des tout derniers ouvrages du Professeur Diouf car plusieurs auteurs auront participé, de quelque manière que ce soit, à la rédaction de l’un ou de l’autre, si ce n’était aux deux livres. Il proposa à l’assistance un plan de travail tournant autour de la prise de parole successive des intervenants suivant l’ouvrage sur lequel ils auront participé.
La parole fut prise, en premier, par M. Diouf qui commença par remercier l’assistance avant d’en venir à la genèse des deux ouvrages. Dans Democracy, Tolerance and Sufis in Senegal, Mamadou Diouf dit s’être intéressé, en partie, à la place et au rôle des soufis depuis la période coloniale ; avec une question principale : peut-on démocratiser ce peuple avec les confréries ?
M. Mamadou Diouf montrera la particularité de la laïcité au Sénégal qui constituait un modèle à part, différent des autres modèles français, turc, indien, etc.
M. Léonardo V., fit part aux invités dans une brève allocution de sa réflexion menée sur l’islam et la démocratie au Sénégal, au Mali et au Niger. En se penchant sur les limites de la religion et sur celles de l’Etat.
M. Cheikh Babou, à son tour, a saisi l’occasion pour rappeler l’historique du mouridisme avec une approche de l’intérieur et un rôle déterminant accordé aux disciples qui, contrairement aux idées reçues, réfléchissent et donnent une nouvelle dynamique à la confrérie.
Serigne Mansou Sy Jamil, Député à l’Assemblée Nationale a, dans son commentaire, d’abord remercié l’assistance avant de s’acquitter d’une dette de gratitude à l’endroit du WARC. Fidèle à sa casquette religieuse, il profita du ramadan pour présenter ses vœux à tout le monde pour ensuite demander à Allah d’exaucer toutes les prières. Il aura, en outre, rappelé son compagnonnage avec les Professeurs Diouf et Thioub. Même si par un concours de circonstances, son texte n’a pas été retenu lors de la publication du présent livre, il a précisé qu’entre le marabout et le colon, il y avait un dissensus (mot latin non lexicalisé en français, sources wikipedia) avant un consensus.
Preuve à l’appui, il a lu un passage d’un rapport fait par un belge qui redoutait la puissance des confréries au dix-neuvième siècle.
Sur un tout autre plan, il déplora l’ignorance de notre élite nationale de la plus grande production littéraire du pays. Il s’en prenait particulièrement aux politiciens. Selon un parallèle, il a souligné qu’il était inconcevable en France que François Hollande ne connaisse pas les écrits de Victor Hugo ou de Chateaubriand alors qu’au Sénégal nos hommes politiques ne s’imprègnent pas des textes de Cheikh Moussa Kâ, El hadji Omar Foutiyou Tall, Cheikh Ahmadou Bamba, etc. Pensant qu’on lui avait accordé juste cinq minutes, il a salué la prestigieuse assemblée constituée de sommités universitaires avant de rendre le micro.
A sa suite, le professeur Ibrahima Thioub du Département d’Histoire à l’ UCAD, eut la possibilité de parler des deux ouvrages. Comme M. Léonardo V., il revenait de voyage mais allait saisir l’occasion pour naviguer à travers l’un des ouvrages entre les némalis (encens local) et les « boudiou men » ( ceux qui fouillent dans les ordures).
Il a remarqué que ce livre Les arts de la citoyenneté au Sénégal, Espaces contestés et civilités urbaines que M. Mamadou Diouf a coécrit avec Mme Rosalind Fredericks, lui permettait de s’intéresser à des « outils tels que le langage, le corps et le pinceau massivement présents dans notre présent ».
Le professeur Thioub attira l’attention des historiens sur un risque qui consisterait à faire de l’histoire immédiate. En sus, il a fait part à l’assistance le sens d’un travail qu’il avait mené sur l’histoire de la marginalité consacrée à la prostitution, aux prisons, aux bars, aux lutteurs, etc.
Il interpellera les historiens sur le caractère inéluctable de revoir la périodisation de l’histoire différente de celle-ci : précoloniale, coloniale et postcoloniale. M.Thioub aura aussi loué l’engagement citoyen du mouvement Y EN A MARRE, une expression artistique et militante ayant pris le contrepied des intellectuels qui s’enfermaient dans les universités. Poursuivant dans cette lancée, il fit la relation entre Nasr Al Din, du temps de la Sénégambie qui incitait les musulmans à ne point s’adonner à l’alcool, et Thiate de Y EN A MARRE.
Il dira que le texte du Professeur Diouf était difficile à décrypter en période de ramadan vu qu’il traitait entre autres de postérieur, rétrécir le sexe, némali, mbalax, sexualité chez les femmes voilées, boîtes de nuit, etc.
M. Barry repris la parole pour lister les différents intervenants.
M. Cheikh Gueye fut le premier. Géographe de formation, il rappela avoir pris part à New York à un colloque avec M. Diouf. Il n’a cependant pas pu terminer sa contribution afin qu’elle fît partie du livre. S’intéressant aux villes religieuses au Sénégal, il a fait part à l’assemblée de la manière dont l’Etat négociait ses rapports avec les confréries. Selon lui, l’Etat sait s’absenter tout en surveillant.
Il passa le témoin à un autre géographe et professeur à l’UCAD, M. Tahirou Diouf qui posa une question : est-ce que le langage des acteurs est celui qu’ils ont de l’espace ?
Le troisième intervenant M. Adama Diouf même en n’ayant pas encore lu l’ouvrage avait pressenti l’absence de l’économique. Il prit le contrepied du Professeur Thioub en montrant que Thiate était plutôt à rapprocher du mouvement Occupy Wall Street, tout en condamnant le « dakarocentrisme » car certaines révoltes étaient visibles à partir des autres régions.
Véronique Pettetin, prit le micro et montra son enthousiasme à écouter M. Thioub. Elle révéla l’ampleur du travail abattu par Malal Talla qui prenait en compte les prisonniers et les fous d’où son surnom Fou Malade.
Miss Massake Kane s’intéressa, quant à elle à la posture de Thierno Bocar Kane. Sa question était relative à la divergence entre « Hamalaya » et « Tidianya », avec un accent mis sur le rôle des colons entre les deux familles religieuses.
En reprenant la parole, le président de séance aura démontré qu’il se sentait prisonnier de Dakar car à l’image d’autres villes coloniales, il fallait perdre 3 heures de temps, à défaut de l’avion, pour se rendre dans les autres régions.
Pr Mamadou Diouf, se définissant comme urbain d’une ville profondément colonial Rufisque, se disait insatisfait sur la périodisation mais faisait avec, en essayant de s’y accommoder. Il s’est intéressé au corps du lutteur (Tyson avec son torse nu), au postérieur de la femme (danse).
Revenant sur la question liée à l’économie, il dira qu’il s’agissait d’un choix de ne pas en parler dans le livre. Le professeur Diouf rappela l’importance de la culture. C’est ainsi qu’il constata qu’au Sénégal, 90% des gens de lettres ne sont pas littéraires parce qu’ils ne lisent pas. Ils ne sont pas scientifiques ou juristes et considèrent, dés lors, les lettres comme un fourre-tout.
M. Mamadou Diouf invita Serigne Mansour Sy Jamil à écrire des livres plutôt que de faire des contributions. Ce dernier, marabout et homme politique dira qu’il y a une exigence technique et une urgence éthique chez les intellectuels à se pencher sur les écrits de Serigne Touba, Elhadji Malick, Hady Touré, Moussa Kâ, etc.
Répondant à Miss Kane, Jamil soutiendra qu’il y a juste une différence d’idéologie entre Hamalisme et Tidianisme, notamment sur la manière de concevoir les chapelets avec des séquences de onze graines ou de douze graines. Il précisa que les familles Sy, Tall, Niasse ne s’étaient pas liguées avec les colons contre Thierno Bocar Kane.
Pour conclure, il invita les intellos à s’approprier leur patrimoine. Il dira, par ricochet à M. Thioub que la critique était présente dans la religion et dans les confréries et qu’elle se déroulait dans les daaras. En effet, M. Thioub avait dit qu'il était obligé de préparer ses étudiants en conséquence avant de donner un exemple sur la confrérie mouride. Ce qui suscita une effervescence car les invités se permettaient des commentaires selon lesquels puisque tout se passait aux daaras, les critiques n’étaient pas forcément nourries. Jamil se sentant visé, a rappelé qu’il fallait aller à la source quand bien même celle-ci serait en arabe.
Le président de séance mit fin à cette effervescence. Il reconnut qu’il était difficile de conclure. N’empêche, il remercia les différents intervenants et suggéra une réappropriation de notre patrimoine. Parlant du niveau des étudiants, il rappela que ceux-ci ne parlaient français que dans les salles de cours. Il faut lire pour maîtriser cette langue, ajoutait-il.
Le retour à nos langues nationale est nécessaire ; a-t’il dit avant d’inviter les élites francophone, traditionnelle et arabophone à jouer pleinement leur rôle pour la bonne marche du pays. Pour lui, le fait de parler de fuite des cerveaux est un faux-débat car ce qui compte c’est qu’on se mette au service de son pays. Peu importe là où on se trouve, l’essentiel étant de bien représenter sa nation.