Voilà un an que l’Assemblée nationale adopta en sa séance du 19 décembre 2013
la loi portant Code général des Collectivités locales. Celle-ci devait consacrer la communalisation intégrale avec désormais l’existence de deux ordres de collectivité locale : le département et la commune.
Incontestablement, cette réforme dénommée « Acte 3 de la décentralisation », en dépit de la controverse qu’elle a suscitée, s’inscrit dans la dynamique d’asseoir une politique de décentralisation poussée.
Certes l’heure est au travail, mais il apparait utile de dresser un bilan à mi-parcours de la réforme
Dans cette perspective, il est judicieux de ne pas circonscrire la réforme au code général des collectivités locales quoique bien entendu celui-ci en fixe, avec quelques limites, le cadre institutionnel, organisationnel et financier. Il devrait s’agir de bien plus que cela car cette réforme doit être perçue comme le socle à partir duquel le Sénégal s’oriente vers l’émergence. Promouvoir l’édification de cités émergentes en vue d’assurer le développement durable et garantir aux populations de meilleures conditions de vie demeure la priorité des priorités.
Il est vrai que la réforme, sur bien des aspects, apporte un plus. La responsabilisation accrue des collectivités territoriales et l’implication des populations. De plus, elle prône une meilleure territorialisation des politiques publiques à partir d’entités plus viables et compétitives. Toutefois, dans d’autres domaines, elle reste moins systématique que la réforme de 1996 qui a eu le mérite de clarifier les formes de coopération locale et d’intercommunalité, la gestion des biens ou droits indivis entre plusieurs collectivités locales ou encore l’Etat-civil.
Notre responsabilité est entière pour la survie de ce rejeton, précoce, d’où la nécessité de lui accorder une attention persévérante. Après que sa naissance eut lieu dans un centre de santé fonctionnant déjà sous le système de protection sociale universelle, il n’eut pas été trop difficile de supporter les frais de maternité. Cette-fois, au contraire de nos habitudes, l’on s’est empressé de donner au nouveau né un prénom, authentique : « Acte.3 de la décentralisation », et pour nom : « territorialisation des politiques publiques », comme pour en faire « l’Enfant de la communauté ». Sans doute, cette dénomination mythique tire sa justification du fait que les premiers rejetons furent emportés par la nouvelle épidémie Ebola. Par conséquent, les mesures préventives eurent conduit à la mises en quarantaine des régions, communautés rurales, communes d’arrondissement et mêmes des villes du pays. Les unes ne survécurent tandis que les autres traversèrent la phase de communalisation intégrale avec succès ou en maintinrent des séquelles. Puis, chaque centre d’état-civil voulut avoir l’honneur de recevoir et d’enregistrer la déclaration de naissance de sorte qu’il eut fallut de longues disputes et des arbitrages avant d’en finir avec les formalités administratives. Personne ne voulant rater le baptême, les convives, avec enthousiasme, vinrent de partout au point que les retardataires n’eussent accédé à la salle des cérémonies. En définitive, il y eut plus de peur que de mal, puisque malgré l’engouement, les hôtes décidèrent de retourner à leur terroir afin d’y célébrer l’événement.
En attendant que l’Acte 3 dépasse sa phase 2, lutéinique, pour générer des pôles et métropoles et qu’aux compétences générales et spécifiques s’adjoignent des compétences déléguées, il est indéniable que quelques unes des collectivités auront déjà souffert de la non applicabilité du principe continuité induit par les mutations intervenue dans la l’adoption et l’exécution des budgets.
Pour mieux booster le développement économique, éducatif, social et culturel de nos terroirs, il est essentiel de saisir les enjeux, les défis et les perspectives de la politique de décentralisation. Il est tout aussi utile que les acteurs à la base comprennent que l’articulation des plans de développement local à l’orientation fiscale et budgétaire nationale, au Plan Sénégal Emergent (PSE), n’est pas antinomique au Principe de la Libre Administration des Collectivités locale. Elle peut s’accommoder parfaitement à l’autonomie et au développement des terroirs.
Faire en sorte que les nouvelles politiques de protection sociale universelle avec à la clé la couverture maladie universelle et la Bourse de Sécurité Familiale, que l’Ecole de la communauté promise par les Assises de l’éducation et de la formation et dont la qualité est soutenue par le Programme d’Amélioration de la Qualité, de l’Equité et de la Transparence (PAQUET), ainsi que la gestion de l’assainissement et de l’environnement dans un cadre bien aménagé, trouvent le meilleur réceptacle et soient bien intégrées par chaque collectivité locale. A cela s’ajoute l’impératif d’assurer la sécurité et la commodité des voies publiques qui justifie le phénomène des déguerpissements en vogue. Tels sont les paris pour l’amélioration notable du cadre de vie et un mieux-être des populations.
Au-delà du Gouvernement, les élus locaux doivent prendre davantage conscience de la lourdeur des missions et prérogatives qui leur sont conférées. Toutefois, ils ne sauraient les remplir sans assumer un leadership éclairé mais partagé avec l’ensemble de compétences capables d’impulser un véritable développement local. C’est pourquoi, il est nécessaire, entre autres, de renforcer la démocratie locale et promouvoir la participation des citoyens à la vie sociopolitique, en somme, redonner le pouvoir au peuple; connaître les atouts et potentialités de chaque terroir et les exploiter de manière efficiente ; valoriser le patrimoine socioculturel et spirituel positif du milieu; renforcer l’intercommunalité, la coopération locale et la solidarité entre les collectivités locales, leurs relations avec l’Etat ainsi que la coopération avec les organismes de développement pour mieux capter les financements, les investissements…
Sous ce rapport, nous avons décidé de lancer, dans les prochains jours, un nouveau magazine d’Enquête, d’Analyse et d’Information sur les politiques publiques, la démocratie locale et le développement territorial, qui se veut une tribune pour les différents acteurs et qui entend informer et former sur ces enjeux et défis et ambitionne de contribuer à la bonne gouvernance des collectivités locales en vue d’une prise en charge plus efficace des besoins des populations. Il s’agit donc de prendre le chemin du retour à la source, celui qui donne à la politique la plénitude de sa noblesse : « l’art de bien gérer les affaires de la cité ».
Par réalisme certainement, nos intérêts partisans nous éloignent souvent des principes. Or ceux-ci fondent et justifient l’existence même de l’Etat. Que l’on soit du pouvoir ou de l’opposition peu importe, il faut aimer le Sénégal. Les deux camps, foisonnent de bonnes idées et compétences et, chemin faisant, le nouvel instrument se donnera les moyens de les capter dès lors qu’il se dégage de tout esprit partisan et entend s’affirmer autrement au bénéfice de toutes les communautés.
Certes le débat doit se poursuivre autrement, en des termes moins polémiques, mais il sera sous-tendu par des critiques objectives, instructives et constructives. Parce que devant réunir les élus, les citoyens, les partenaires sous le contrôle et les décryptages des experts et portera exclusivement sur les véritables ENJEUX.
Sénégal, 05h 15, AM, le 19 décembre 2014
Ndiaga SYLLA
diekamsylla@gmail.com