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Contribution de M. Bacca Bâ

Le “Fonds Macky Sall” pour les chercheurs, ou le signe d’une dictature rampante

 J’ai lu avec stupéfaction dans le Quotidien du vendredi 6 mai  2016 numéro 3973 que le président Sall a donné 500 millions de franc CFA au Cames (Conseil Africain et Malgache de l’Enseignement Supérieur) et que cet argent a été baptisé « Fonds Macky Sall ». Quelle anormalité !

       Cet argent-là n’appartient pas au Président Sall. Il ne l’a pas hérité. Avant d’être président de République, Macky Sall n’était pas un homme d’affaires qui gérait des milliards. Donc, devenu président de la République, il ne peut être aussi riche que Crésus et se permettre de donner des millions à tort et à travers. Tous les fonds et le budget qu’il gère appartiennent au peuple sénégalais. Le Président n’est qu’un simple exécutant, ceci au nom du peuple sénégalais. Cette somme colossale donnée au Cames aurait dû être baptisée « Le Fonds sénégalais pour la recherche ». Même si ce sont les dirigeants de cette institution qui ont pris cette initiative, le président Sall devait catégoriquement refuser.  S’il ne l’a pas fait, c’est parce qu’il est entouré de gens qui tentent de lui forger un « culte de personnalité » qui est mène souvent vers une certaine forme de dictature.

  La plupart des Présidents africains, une fois au pouvoir, soit par la voie des urnes soit par un coup d’Etat, se comportent comme des rois. Quand ils donnent, au lieu de le faire au nom de leur peuple, ils le font à leur nom propre. Malheureusement, beaucoup d’exemples peuvent attester de cette situation devenue normale dans nos mœurs politiques. 

   Il y avait une embuscade terrible au Mina en Arabie Saoudite lors du dernier pèlerinage, qui a causée beaucoup de victimes parmi eux des pèlerins sénégalais. Quand l'Etat a décidé d’indemniser et de porter assistance aux familles, ceci a été fait au nom du Président de la République. Quelle anormalité ! Et le plus anormal dans tout cela c’est que ce sont les politiciens de la même localité que les victimes qui donnaient ces sommes dans des enveloppes en magnifiant la grandeur et la générosité du Président de la République, des fois à la présence même des représentants de l'Etat à savoir les préfets et les sous-préfets qui interviennent des fois en faisant les mêmes éloges que les politiciens. Quelle anormalité !

    Dans un état démocratique normal  qui se respecte, toute aide ou fonds, avant d’être décaissé(e) doit être discuté(e) et débattu(e) à l'Assemblée nationale. De la même manière aussi, si le Président de la République décide d’envoyer des troupes à l’étranger. 

Le Président de la République ne doit pas se réveiller un bon jour et décider, de façon unilatérale, d’engager nos soldats pour qu’ils aillent se battre au Yémen. Le Président doit avoir l’aval de l'Assemblée nationale.  Les Sénégalais, y compris les soldats, ne sont pas des sujets de sa Majesté, le Président. Ça doit aussi être la même chose quand le Président chante sur tous les toits qu’il va moderniser les cités religieuses du pays.  Encore une fois, l’argent n’appartient pas au Président. L’argent public appartient au peuple. Personne ne peut en disposer à sa guise. Fût-il Président de la République. On se souvient toujours des déclarations de l’ancien président de République Abdoulaye Wade; à chaque fois qu’il visitait Touba, il disait qu’il allait faire pour la ville sainte ce que personne n’avait jamais fait et qu’aucun ne pourrait en faire autant. Certainement il disposait des fonds de l'Etat et le dépensait à sa guise. Est-ce qu’il continue toujours à vouloir faire ce que personne n'a fait? J’en doute. Et pourtant il reste jusque-là un fervent talibé mouride. 

    Sur un autre registre, je suis d’avis qu’il faut revoir cette habitude qu’on a de baptiser les lieux publics du nom de certaines personnalités publiques. Des fois même, on met leur effigie sur les pièces de monnaie. Je pense que c’est une erreur. Il est dangereux de baptiser certains lieux publics du nom de personnalité toujours en vie. En Pulaar on dit : « So neɗɗo maayaani tagdaaka. » Littéralement, tant qu’une personne n’est pas morte, sa création n’est pas finie. C’est-à-dire que quand on est toujours en vie, il demeure un mystère sur l’étendue de nos qualités et des défauts dont nous pouvons faire montre.   

     Dans les années 60, certains présidents africains non seulement avaient leur effigies sur leurs monnaies nationales, mais aussi on leur avait construit des statues colossales. Même le Grand Kwame Nkrumah n’a pas échappé à cette règle. Ces statues se voyaient de partout  à travers le Ghana à l’époque de sa grandeur. Après le coup d’état contre lui en février 1966, toutes ces statues ont été détruites par les foules à l’image de qui s’est passé dans les pays arabes pendant « le printemps arabe » en 2011 ou dans les pays de l'Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin en 1992.

  Donc pour baptiser un lieu, pour bâtir une statue ou pour frapper une effigie dans une monnaie, ne cédons pas à la  précipitation. Que cela se fasse après la disparition du personnage concerné. C’est seulement après cela qu’on est sur de ses qualités et de ses défauts. Ainsi,  ses qualités seront célébrées à leur juste valeur. Et après, on sera à l’abri des surprises. Neɗɗo timmaani. Nit motul. L’Homme n'est pas parfait. De son vivant, il est capable de tout. Du mieux comme du pire.

  L’autre chose que je voudrais évoquer, ici, concerne les fondations des premières dames en Afrique. Certains présidents africains, à peine installés au palais, permettent à leurs dames d’établir des fondations. Dans quel but ? Eh bien pour venir en aide aux plus démunis.  Et pourtant, il y a toujours un département ministériel qui s’occupe de ce genre de problèmes.  Pour moi, ces fondations ne sont qu’une sorte de détournement des fonds publics. Sinon comment expliquer leurs disparitions soudaines après la perte du pouvoir de leurs bailleurs de fonds que sont les Présidents. Est-ce qu’on voit les premières dames dans les pays démocratiques qui se respectent se balader dans les rues avec les mallettes pleines d’argent ou des 4/4 remplis de pains et des cafés pendant le mois de Ramadan ? Il faut être dans un pays comme le Sénégal pour voir ces genres de choses.

    Quelle anormalité ! Quand le Président Sall a laissé ses charges très lourdes pour se rendre aux USA avec une forte délégation simplement pour assister à la remise de diplôme de son fils. 

Moi, franchement, j’ai l’habitude de voir cela dans les pays de dictatures ou autres royaumes. Récemment, le Premier ministre français Manuel Valls a été contraint de rembourser les frais de voyages de ses deux fils qui l'avaient accompagné lors d'un voyage officiel. Pourquoi ? Simplement, parce qu'il a le droit de voyager au frais de l'Etat français et que ses enfants n’ont pas ce privilège.

  En Afrique, quand on élit un Président, sa femme acquiert le statut de première dame. Cela reste normal. Ce qui l’est moins, c’est que ses fils deviennent les « premiers fils », ses filles, les « premières filles », ses cousins, cousines, ses beaux-frères, belles-sœurs, belles-mères, belles-tentes, bref, tout ce beau monde s’élève au rang de « premiers ». Quelle anormalité ! L’ancien président Wade disait que son fils Karim Wade était le plus intelligent de tous les Sénégalais. J’ai peur que l'Histoire risque de se répéter. Et ce serait dommage pour la démocratie sénégalaise.

                                                   Bacca BAH, professeur d’anglais

                                                   Lycée de Thiaroye. 

 

15/05/2016

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