Dans le recrutement et le traitement salarial du personnel de télévision, la beauté féminine est devenue le premier critère de sélection, la compétence en termes de superficialité et de folklore est le deuxième critère et le professionnalisme n’est qu’une contingence. Ce recrutement chasse la culture éditorialiste et sublime la superficialité. Il faut juste savoir mettre en valeur ses cuisses, ses fesses, une peau khasalisée et sa poitrine pour s’imposer. La nudité (ou ce qui le symbolise) est devenue un objet commercial : c’est la publicité de la sensualité.
Ces comportements licencieux ont atteint des proportions incommensurables sans que les prétendus organismes de «régulation » de l’audiovisuel (dont l’existence est devenue superflue) n’opposent la moindre critique. Tous les mannequins qui n’ont pas réussi à avoir le plébiscite escompté sur les podiums, envahissent nos télés. Dieu sait que dans la plupart des cas, leur traitement est de loin meilleur que celui des valeureux journalistes.
Plus une animatrice est superficielle et vide, dévergondée et sensuelle, permissive et manque de culture, plus elle fait « mouche ». Les atours de la femme : ses lèvres, sa poitrine, sont zoomés par les caméras, comme pour signifier que les tabous sont archaïques et incommodants pour la femme. En banalisant la femme de cette façon on a réussi à exciter les fantasmes et à fouetter le désir d’accumulation, puis le désir de la consommation qui garantit la satisfaction du désir d’être reconnu (c’est-à-dire de ressembler aux modèles standards du show-biz et de télé-business). Le sexe a donc pris le pouvoir sur le petit écran et les Sénégalais découvrent la télé-sexualité. Il y en a qui ont tout bonnement compris que la télévision pouvait être un espace et un moyen de sublimation de leurs tendances de « filles de joie » et en tirent le maximum de profit. Nos télés sont devenues des industries de l’enthousiasme et de l’érotisme. Nos compatriotes comprennent-ils suffisamment l’enjeu de cette course effrénée et éhontée vers l’audimétrie par l’omniprésence du sexe ? Mais qu’est ce qui se joue derrière la scène de l’obscénité médiatique?
Á l’ère de la prolifération des télés poubelles, les belles filles sont devenues le symbole de l’ornement érotique d’un vide médiatique très profond. L’ancien ministre de la culture Abdou Aziz MBAYE avait parlé à l’époque de « télévision poubelle » et le terme avait fait mal. Une télé est d’abord une poubelle par rapport aux autres télés dans la mesure où, dépourvue de programmes propres, elle se contente de diffuser des programmes caducs ou archaïques hérités d’autres télés. Chez nous les programmes qui ont vécu au Nord ou dont la diffusion dans ces pays a été interrompue, inondent les écrans de télés locales.
Une télé est ensuite poubelle par rapport au contenu qu’elle propose aux téléspectateurs : c’est évident qu’une télévision dont tente cinq pour cent des émissions est consacré au jeu et au divertissement, engendre un abêtissement tel, que les spectateurs sont à la merci de toute sorte de manipulation.
Les séries télévisées, le divertissement magico-sportif qu’on appelle « lutte sénégalaise » et les téléfilms sénégalais sont des moyens indirects de contrôler les citoyens en les fixant dans le sensationnel et le superficiel. Ainsi, à force de confier leurs rêves à la télévision, nos compatriotes ont fini par devenir les apprentis de leurs propres fantasmes au lieu de faire face objectivement et efficacement à la réalité.
Pape Sadio Thiam