Je voudrais seulement réagir suite aux sorties très vives provoquées par le livre du professeur Sankharé ‘Le Coran et la Culture grecque ‘. Je n’ai pas encore lu le livre. C’est pourquoi je ne peux pas aller au fond du débat. Je vais seulement de dire quelques mots sur les critiques concernant l’ouvrage, en attendant sa lecture.
La première critique que j’ai lue est celle de Mamadou Bamba Ndiaye dans Le Quotidien du 14 mai 2014. Je suis quand même déçu par cette critique puisque au lieu de se concentrer sur ce que le professeur Sankharè a dit, Mamadou Bamba Ndiaye se permet de décrire le professeur comme « un sinistre », « le pauvre disciple de Senghor ». Il est allé plus loin, dans d’autres sorties, en demandant, je ne sais de quel droit, de radier le professeur Sankharé de l’Université Cheikh Anta Diop, de retirer son ouvrage des rayons des librairies et d’exiger des excuses publiques du professeur.
La deuxième remarque est venue du professeur Khadim Mbacké dans Le Quotidien du 24 mai 2014. Cette critique est d’ailleurs plus scientifique et plus respectueuse. Le professeur Mbacké n’as pas insulté l’auteur, il n’a pas demandé un « fatwa », ni de retirer l’ouvrage du professeur. Il est allé même jusqu’à demander aux musulmans d’apprendre leur religion en procurant des nombreuses publications disponibles sur le marché afin de mieux défendre leur religion.
En attendant de lire l’ouvrage, je voudrais dire ceci aux musulmans, surtout à ceux du Sénégal.
Tout d’abord, pouvoir lire, parler et écrire l’arabe ne donne pas le seul droit de parler de l’Islam. Sinon nos grands marabouts du passé comme du présent qui ont composé d’excellents poèmes en arabe n’auraient jamais eu le droit de parler de la religion musulmane. Ils maitrisent la langue arabe écrite et lue mais ils ne la parlent pas couramment. L’explication est simple : en étudiant le Coran, la Grammaire, la Conjugaison, la Langue et la Sharia, l’explication est toujours faite en pulaar ou en wolof, selon. C’est en quelque sorte une traduction de l’arabe en une autre langue. Je vois le professeur Mbacké insister sur l’incapacité du professeur Sankharé de pononcer une seule phrase en arabe lors d’une soutenance de thèse à l’Université de Nouakchott. Il l’invite d’ailleurs à un débat en arabe. Moi, j’invite le professeur Khadim Mbacké de faire une tourné au Fouta pour visiter les « Daara » où on apprend la Sharia, la langue et la Grammaire arabe et il verra les talibés qui maitrisent la langue arabe sans être capable de la parler couramment. Moi-même, sorti de ses « daara » , je ne pouvais pas parler l’arabe couramment que quand je suis allé étudier dans les pays arabes à savoir la Lybie et le Qatar.
Ensuite les musulmans que nous sommes nous devons être un peu plus tolérants. On ne peut pas toujours brandir les insultes, proférer des menaces physiques et verbales à chaque fois que l’Islam est critiqué. On ne peut pas non plus espérer avoir une religion aussi grande que l’Islam et ne pas recevoir des critiques voire même des attaques. La grandeur d’une religion c’est de pouvoir ignorer voire banaliser certaines critiques. Des fois on voit même des gens qui n’ayant pas encore lu le livre concerné profèrent des menaces.
Je vais raconter une anecdote : quand Salman Rushdie a sorti son ouvrage controversé : « Les Versets sataniques », l’Imam Khouméini de l’Iran a mis une « fatwa » sur sa tête. Il y avait ensuite des démonstrations partout surtout en Pakistan et en Bangladesh. Et lors d’une manifestation des Pakistanais à Londres, il y avait un barbu qui criait : « Il faut tuer Salman Rushdie ! Il faut le brûler vif ! » Un journaliste s’approcha et lui posa cette question : « Qu’est ce que Salman Rushdie a dit à propos du Prophète Mahomet ? » Il répond : « Je ne sais pas. » Une deuxième question du journaliste : « Est-ce que tu as lu le livre ? » Réponse du barbu: « Non »
Je suis sûr que la plupart de gens qui critiquent des ouvrages critiques sur l’Islam ne les lisent pas souvent. Ils se précipitent pour pouvoir paraitre aux yeux des musulmans comme les défendeurs ardents de l’Islam. Et on les voit dés fois défendre l’indéfendable. La plupart des ceux qui critiquent l’ouvrage de Sankharé, y compris Mamadou Bamba Ndiaye, ont défendu avec bec et ongles le Statut de la Renaissance africaine de Abdoulaye Wade en essayant de le légitimer sur le plan islamique.
Enfin j’invite quand même les musulmans à défendre leur religion sur le plan scientifique et historique. Evitons de verser dans la violence physique et verbale, Le Boko Haram ; L’Al Qaida ; Les Shababs en Somalie ; Les Talibans en Afganistan ; Les jihadistes au Nord du Mali comme Ansariddin et Ansar Asharia ; Les Frères musulmans en Egypte ne sont une bonne référence pour un Islam progressiste et tolérant. Essayons de lire tout ce qui a été écrit sur l’Islam par des musulmans et non musulmans, comme l’a bien suggéré le professeur Khadim Mbacké. La meilleure arme qu’un musulman puisse avoir pour défendre sa religion est la connaissance et de sa religion et des autres religions, y compris même les religions non révélées.
Je pense que l’ouvrage du professeur Oumar Sankharé est un travail universitaire et doit être considéré comme tel. Ce n’est pas bien d’essayer d’entrainer dans ce débat nos Khalifs généraux.
Bacca BAH , écrivain et professeur d’anglais au Lycée de Thiaroye.
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