Après moult hésitations, j’ai décidé ce dimanche 17 novembre 2013 à 22 h de vous écrire. En dépit des découragements de nombres de collègues et d’amis qui à tort ou a raison, - je dirai à raison -, ont voulu m’épargner ce qu’ils appellent une perte de temps. En dépit de mon expérience personnelle qui ne m’autorise point à consacrer mon temps, mon énergie et mes moyens à écrire à l’administration publique sénégalaise en étant presque certain que ce courrier finira comme les autres dans une poubelle. En dépit de l’indifférence propre au Sénégalais qui refuse de s’impliquer dans la chose publique, préférant faire dans les plaintes et complaintes futiles et incessantes dans l’intimité des salons et dans la clameur des places publiques et autres cars rapides. J’ai décidé de vous écrire, Monsieur le Doyen de la Faculté des Sciences et Technologies de l’Education et de la Formation (FASTEF). J’ai décidé de vous écrire pour vous exposer les faits suivants :
Le 02 Aout 2013, je vous adressais une correspondance vous demandant l’établissement d’un relevé de notes que je n’ai jamais eu pour un diplôme obtenu dans votre institution en juillet 2002. Déjà le premier jour, je demandais les délais de d’établissement dudit document à Madame votre secrétaire qui m’avait désigné un certain Monsieur NDIAYE pour répondre à ma question parce qu’étant la personne qui s’occupe de ces papiers. Hélas, Monsieur NDIAYE ne m’a jamais donné de réponse, ce que j’ai compris plus tard.
Ce n’est que le 29 Août 2013 que Monsieur NDIAYE m’a reçu dans son bureau pour me demander de lui rappeler mon nom, ma date de naissance bref toutes ces informations nécessaires à l’établissement d’un relevé de notes et que j’avais précisées dans ma demande. Il me demandera de lui rappeler ces mêmes informations au moins deux fois au téléphone. Après quoi il m’a dit de l’appeler sur son portable le lundi 02 septembre 2013 à 11 h. Quand je l’ai appelé le lundi à l’heure convenue, sa réponse a été qu’il n’était pas encore arrivé au bureau et que je pourrais le rappeler à 13h. A 13 h, je l’ai rappelé et ce qu’il m’a servi c’était un discours genre : « je suis occupé, rappelle- moi à 16h ». Et ça n’a cessé depuis. Du lundi 02 septembre 2013 au vendredi 20 août 2013, je l’ai appelé une vingtaine de fois sur son portable et toutes ses réponses étaient plus ou moins les mêmes : « Je ne suis pas allé au bureau à cause de la pluie, c’est presque fait, la secrétaire ne travaille pas aujourd’hui… » Jusqu’à ce vendredi 20 août 2013 jour de délivrance supposé pour moi.
Ce vendredi là, je suis arrivé à la FASTEF un peu après 10 h. Sur place, on me fit savoir qu’il n’est pas encore arrivé au bureau et que je pouvais attendre. Je n’étais pas le seul, deux autres personnes sont venus après mois pour le voir ; j’imagine pour les mêmes raisons. Arrivé à 11 h, Monsieur NDIAYE était accompagné de deux personnes qui l’ont suivi dans son bureau, mais avant d’ouvrir sa porte, il a eu le temps de faire tous les bureaux pour dire bonjour à tous ses collègues avec un « diamassanté » sans fin comme s’il n’avait aucune conscience que des gens l’attendaient.
Une fois dans son bureau, nous continuons à attendre. Au bout de 15 minutes, je décide d’aller me signaler pour qu’il sache que je l’attends comme convenu, il me fit signe de patienter. Puis, c’est une demoiselle qui s’introduit dans son bureau sans rien demander à personne, puis au bout de quelques minutes, une autre personne puis une autre. J’ai dû interrompre ses conversations au moins deux fois pour lui faire comprendre que je l’attendais toujours et que j’étais là avant les autres, mais sa réponse a été la même : patientez un peu.
Enfin quand vint mon tour ou le tour qui m’a été imposé, il me reçoit dans son bureau et me remet mon relevé de notes non sans préciser qu’il devait le mettre sous pli fermé (je souligne). A peine sorti du bureau, je décide d’ouvrir l’enveloppe étant persuadé qu’il pouvait y avoir des erreurs et effectivement il y en avait une. Après une longue hésitation justifiée par le calvaire que ça a été pour moi d’avoir ce papier, je décide de le retourner pour lui signaler l’erreur et retour à la case départ pour moi qui pensais voir le but du tunnel. Rendez-vous m’a été donné pour le lundi suivant.
Le lundi quand je me suis présenté, j’ai été reçu par un Monsieur NDIAYE à la mine sévère. Je lisais sur son visage une volonté d’en découdre avec un usager un peu trop rebelle à son goût, un usager insistant avec une patience qui transcende toutes les stratégies de pourrissement d’usage dans la plupart des services publics. Les usagers des services publics savent de quoi je parle : On essaie volontairement de vous faire perdre du temps pour savoir jusqu’où vous pouvez aller, évidemment si l’enjeu est important et si on risque le forclos la plupart des usagers acceptent de mettre la main à la poche. L’homme prit son temps à chercher le document et au moment de l’introduire dans l’enveloppe me jeta à la figure : « Cheikh la dernière fois tu as ouvert l’enveloppe, si tu recommences et qu’il y a erreur je la reprends pas ». Poursuivant son réquisitoire, il me fit comprendre que la FASTEF ne donne pas de relevés de notes aux diplômés et que ces documents sont directement envoyés sous pli fermé aux institutions qui en font la demande. Non sans préciser qu’il a voulu m’accorder une faveur. Pour la deuxième fois, il glissa le relevé de notes dans une enveloppe l’estampilla d’un cachet avant de me le remettre. Je sortais de son bureau à la fois soulagé et intrigué par une multitude de questions sans réponses.
Est-il juste qu’une institution qui délivre des diplômes refuse de délivrer des relevés de notes à ces étudiants ? Comment expliquer que la FASTEF décide de ne délivrer de relevés de notes que sous pli fermé alors que l’institution destinatrice n’en a pas fait la demande ? Est-il normale, au moment où on parle de rupture, de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, d’attendre prés de deux mois, avec toute la gymnastique qu’ils m’ont fait faire, avant d’obtenir un relevé de notes ?
En examinant le document qu’ils m’ont remis, j’ai pu me rendre compte qu’ils y font figurer, en plus des notes, un rang. Par curiosité, je me suis posé des questions sur la pertinence d’une telle information ? Quelle est le sens du rang 6eme par exemple si on ne précise pas le nombre de candidats en compétition ? 6ème sur 6 candidats a-t-elle la même signification que 6ème sur 100 candidats ? Bien sûr que non.
L’administration publique sénégalaise est malade de ses hommes et de ses femmes, elle est malade de ses méthodes, elle est malade de son mode de fonctionnement. Le recrutement de ses membres leur formation et, disons-le, leur rémunération constitue une problématique qui mérite réflexion. Je ne trouve pas juste qu’un agent de l’Etat n’aille pas à son travail sous prétexte qu’il a plu. J’ai du mal à comprendre qu’un agent de l’Etat arrive à son travail tous les jours à 11 h et qu’il n’y ait personne pour lui faire entendre raison. J’ai du mal à accepter qu’une personne qui a en charge la destinée d’une institution puisse s’emmurer dans son bureau, se mettant sous la protection de vigiles comme s’il avait peur de recevoir les usagers de son service, comme s’il n’avait aucun besoin d’écouter ces derniers, comme s’il n’avait aucun devoir de leur donner la bonne information. Je mettrai du temps, beaucoup de temps, à accepter que nous sommes un peuple condamné à subir, de façon irrévocable, le diktat d’une certaine administration qui n’est diligente et respectueuse qu’envers les personnes qu’elle connait ou alors ceux qui acceptent de mettre la main à la poche. Je n’arriverai certainement jamais à accepter que, comme d’aucuns le pensent, sous les tropiques les textes et règlements sont faits pour les autres, que le développement c’est pour les autres, que la démocratie c’est pour les autres, que la bonne gouvernance c’est pour les autres, que le respect de la personne humaine c’est pour les autres.
Je demeure convaincu que quelque part dans ce pays, des hommes et des femmes font les mêmes analyses que moi, partagent les mêmes idées que moi, s’engagent dans les mêmes combats que moi et restent persuadés, autant que moi, qu’ensemble nous arriverons à bout de ces pratiques.
Je reste par-dessus tout persuadé que quelque part dans ce pays une autorité aura le courage de lever le petit doigt pour dire « NON, ça suffit ! »
Cheikh Diop
cheikhgdiop@yahoo.fr