Senghor parlait ainsi :
Droits et devoirs de la femme sénégalaise
Mon souci constant, tout au long de ma vie politique, a été l'émancipation de la femme et d'abord de la jeune fille sénégalaise. Émancipation ne signifie pas, vous le devinez, dévergondage de l'esprit et du corps. C'est une education qui tend à tremper le caractère et à affermir la raison. Une éducation qui fera des jeunes filles sénégalaises, des personnes conscientes de leurs responsabilités et prêtes à les assumer comme citoyennes et épouses.
Je l'ai souligné plus d'une fois, dans l'œuvre de construction nationale, la femme a sa place. Elle est capable comme l'homme d'occuper dignement, efficacement les plus hauts postes de la société : d'être ingénieur, médecin, professeur, industriel, commerçantes. Elle exerce déjà, par vocation, certaines fonctions sociales comme institutrice, assistante sociale, sage-femme, infirmière. Elle y est irremplaçable. Dans tous ces emplois, la femme doit apporter ses vertus traditionnelles, singulièrement son sens du concret et de l'humain.
Cependant, la femme sénégalaise ne doit pas cesser, pour cela, d'être ce qu'elle a toujours été : une épouse et une mère. Vous me permettrez d'insister sur cet aspect du problème. Ayons le courage de le reconnaître, le régime colonial a provoqué, au Sénégal, un certain embourgeoisement des classes moyennes : celles des fonctionnaires, des commerçants, des notables. L'abondance de la domesticité; une domesticité non éduquée, au demeurant a détourné, souvent, la femme de ses devoirs d'épouse et de mère. A la maison, on rêve plus volontiers, de boubous et de bijoux qu'on est soucieuse de laver, de coudre, de repasser. Or, il n'y a pas de famille, il n'y a pas de civilisation sans ces humbles travaux domestiques. Sans eux, on ne retiendra pas le mari, on ne fera pas l'éducation des enfants. Pour tout dire, on ne fera pas du Sénégal une nation moderne. Que de laisser-aller, que de doubles emplois, que de gaspillages dans nos familles, qui empêchent toute épargne et la constitution d'un capital national.
Léopold Sédar Senghor
Discours prononcé au Lycée des jeunes filles Ameth Fall de Saint-Louis