Procès de Y EN A MARRE : jeunes magistrats, excellents avocats, brillantes plaidoiries, non coupables, opération de com...
Pour leur comparution, les prévenus étaient plus que détendus, du fait de la liberté provisoire dont ils bénéficiaient. En effet, il paraissait très difficile pour ceux-là qui ne connaissaient pas les prévenus de les identifier parmi les groupes qui se formaient au gré des affinités dans le hall du tribunal.
Initialement prévue à neuf heures, l’audience a démarré un peu plus après treize heures. Auparavant, une trentaine de minutes avant on nous aura demandés de quitter la salle, dans laquelle nous nous trouvions, du fait de son exigüité à contenir tout ce monde venu le temps d’un matin s’enquérir de la suite à donner au dossier tant médiatisé des deux principaux responsables du mouvement Y EN A MARRE Simon et Kilifeu, permettez-nous d’utiliser leurs noms d’artistes, à côté de deux autres membres à savoir Serigne Sakho et Abdou Karim Gueye.
De peur de ne pas avoir de place dans la nouvelle salle d’audience, l’assistance se bouscula à l’entrée. Nous parvînmes au nouveau local non sans user de coudées. Pour cette fois-ci nous mîmes de côté notre fameux NTS Nouveau Type de Sénégalais. Au final, la salle put contenir tous ceux qui s’y étaient rendus à l’occasion. Plus d’une vingtaine de minutes fut prise pour la mise en place. On eut dû déplacer ceux qui, dans la précipitation avaient voulu occuper les premiers rangs des places assises. Celles-ci étaient normalement réservées aux avocats et journalistes venus très nombreux à l’audience.
A la pile de treize heures cinq minutes, un des gendarmes demanda qu’on éteignit les portables sitôt après le jury entra dans la salle. Après les commodités d’usage, Madame le Président du jury la trentaine à peine, commença à poser des questions à ceux qui se trouvaient au ban des accusés. Une série de questions leur fut posée : d’abord des questions ayant trait à leur identité puis à leur situation matrimoniale et à leur activité professionnelle et enfin des questions liées à la manifestation cause de leur arrestation.
Après cette séquence de questions réponses, au cours de laquelle Serigne Sakho et Abdou Karim Gueye revinrent sur les circonstances de leur interpellation survenue bien après celle de Simon et Kilifeu. Si les deux premiers affirment avoir été informés de l’interdiction de la manifestation par le canal d’une radio de la place qui faisait une édition spéciale sur l’événement de ce jour. Quant à Kilifeu et Simon en tant que responsables du collectif Y EN A MARRE, ils reconnurent avoir pris connaissances de l’arrêté préfectoral leur interdisant le campement prévu sur la place de l’obélisque. Les prévenus ont plaidé non coupables.
A la suite de Madame le président, Monsieur le procureur de la république prit la parole en posant d’autres questions aux accusés. Celles-ci portaient essentiellement sur la responsabilité des sieurs Simon et Kilifeu qui, selon sa démarche, somme toute normale puisque représentant le ministère public, avaient apparemment l’intention d’outrepasser un arrêté eu égard au procès verbal de la police. Revenant sur les circonstances, il ne manqua pas de souligner que dans la société, il y avait un ensemble de règles qui en assuraient le bon fonctionnement, et que nul n’avait le droit de les violer.
Le procureur dira aussi qu’’il n’est pas dans ses prérogatives de discuter du bien fondé ou du mal fondé d’un arrêté et qu’il fallait s’y soumettre tout simplement.
Le procureur a attiré l’attention sur la nécessité d’user des voies de recours prévu par la loi en parlant avec leurs conseillers juridiques. Il insista sur le respect scrupuleux des règles par le collectif Y EN A MARRE, lorsqu’il s’est agi d’adresser une demande au préfet. Selon lui, la lettre qu’il avait sous les yeux était motivée. Après avoir rapporté ces faits à Madame le président, il a requis six mois d’emprisonnement avec sursis à l’encontre des prévenus.
Débutant sa plaidoirie, Maitre Boucounta Diallo posa des questions aux prévenus pour déceler des manquements notoires de la part de la police qui n’avait pas respecté les droits des citoyens, qui devraient bénéficier de deux avertissements lumineux ou sonore avant l’arrestation. Au bout de quarante minutes, survint un incident jugé grave par le procureur, qui prit la décision de demander à la juge de suspendre la séance étant donné qu’il y avait un journaliste d’un média occidental qui filmait en cachette le procès. Ce journaliste avait pris le soin de cacher sa caméra avec un tissu de couleur rouge avant qu’il ne fût repéré par l’un des gendarmes. La séance fut suspendue pendant une dizaine de minutes non sans avoir demandé à tous les journalistes de sortir de la salle et de se soumettre à une fouille de leur sac pour vérifier s’il n’y avait pas d’autres journalistes qui procédaient au même acte répréhensible.
A la reprise de la séance, cet avocat du pool commis pour défendre le collectif, passa en revue les articles de la constitution qui autorisaient le droit à la manifestation. Il évoqua le lieu de l’arrestation qui s’est déroulée à une trentaine de mètres de la place de l’obélisque. Défendant ses clients, il fit état des jurisprudences qui plaidaient en faveur de l’actuel président naguère dans l’opposition. Ironie de l’histoire, il souligna que le Ministre d’État, Ministre de l’intérieur Maître Ousmane Ngom et Maître Amadou Sall porte-parole du candidat de la coalition des FAL étaient victimes en 1988 des mêmes chefs d’accusation et ils les avaient défendu, il trouva désolant qu’on en soit toujours à ce même stade plus d’une vingtaine d’années après. Parlant de la police, il regretta les actes de tortures inadmissibles vu que même les accusés doivent bénéficier de leurs droits. Il affirme que sa mission consiste à défendre les citoyens même ceux qui sont au pouvoir et qui pourrait un jour ou l’autre se retrouver au ban des accusés. Il invita les magistrats à être dans l’histoire en évitant de céder aux « pressions » de leurs supérieurs hiérarchiques comme avait l’habitude de le dire Maître Abdoulaye Wade.
Après sa brillante plaidoirie, l’ancien bâtonnier Maître Mame Adama Gueye parla du contexte et du mouvement citoyen pour montrer l’exemplarité des jeunes qui ont leur place dans la société sénégalaise. Selon l’avocat général, qui ne manqua pas de souligner, au passage ne pas approuver tout ce que Y EN A MARRE, montra le rôle du collectif dont l’action devrait être louée au moment où des jeunes en mal de travail démissionnent ou restent fatalistes, les membres de Y EN A MARRE revendiquent ni plus ni moins que le respect de la constitution. Il parla du nouvel élan que ces jeunes veulent donner au Sénégal en vulgarisant le Nouveau Type de Sénégalais. Il se permit la liberté de lier la profession de foi lieu d’une profonde autocritique de tous ceux qui se réclameraient de la structure.
Poursuivant sa plaidoirie, Maître Gueye mit en avant le leadership de ceux qui coordonnent le mouvement rappelant au demeurant la complicité, par endroits, entre le commissaire de Dakar et ceux-là qui ont maille à partir avec la justice pour contrôler des manifestations. L’avocat dira aussi que ces jeunes donnent des leçons de morale aux adultes car après leur rassemblement ils prennent le soin de nettoyer les lieux. Il dira que la société est en crise car, il y a quelques décennies on disait à l’école primaire que la personne n’a qu’une parole, alors qu’aujourd’hui on se permet de dire je me dédis : il y a un problème. Il doutera de la légitimité du préfet qui interdit par le biais de son arrêté une loi qui autoriserait un droit. Maître Gueye fera savoir au jury que les membres de Y EN A MARRE étaient de dignes fils du pays mus par l’intérêt supérieur de la nation au moment où chacun ne pense qu’à soi. Il renchérira en faisant état de la détermination des jeunes dans le respect des règles et que s’il fallait embastiller tous ces jeunes qui se battent pacifiquement pour leur nation, les prisons seront remplis d’honnêtes citoyens. Au moment où les autres citoyens qui y ont du mal à être au service de leur peuple seront libres. Le dossier est vide, selon lui, car le délit qu’on leur reproche n’existe pas dans le code pénal. En effet, dans le procès verbal établit par la police on les y accuse de délit de participation à l’organisation d’une manifestation interdite par l’autorité. Il a battu en brèche l’acte d’accusation.
Tour à tour, les avocats demandèrent aux magistrats de juger suivant leur intime conviction. Madame le président leur fit part de la décision du jury, qui avait décidé de mettre le verdict sous délibéré jusqu’au 27 Février, lendemain de l’élection présidentielle, date qui ne manqua pas de créer un bruit dans la salle, mais la jeune magistrate insista sur sa mesure et passa, illico, à un autre dossier dans la pile de chemises cartonnées de couleur rose. La salle se vida de la plupart de ses curieux un peu après quinze heures.
M. DIALLO IBNOU
Doctorant és Lettres Modernes, Option Grammaire Moderne
Professeur de Lettres Modernes ( ibndiallo@gmail.com)
par Ibnou Diallo, jeudi 23 février 2012, 07:16 ·
relax sous notre géant manguier à la...