Ramata Kaba survivra encore quinze années à Golda Meir, toujours plongée dans sa longue nuit, tous liens entre le monde réel et elle rompus. Et chaque année, quand les autres arbres, comme pour accueillir les premières pluies, portent de nouveaux bourgeons, que les flamboyants, seuls, se parent de fleurs pourpres contrastant harmonieusement avec la nature qui reverdit, elle traversait une phase d'excitation aigue durant huit jours, puis retombait dans une dépression voisine de la léthargie jusqu’au prochain début d'hivernage...
Ces derniers temps, depuis six mois environ, un fait notable s'était produit dans son comportement, sans aucune raison apparente et sans qu'aucun évènement important ou mineur ne soit intervenu : lorsque le bar était fermé, les clients rentrés chez eux, il lui arrivait de quitter sa chambre à l'étage, de descendre dans la cour déserte du Brise de Mer.
Elle venait alors s'accouder sur le rebord du mur de barrage surplombant l'océan, protégé des vagues par de grands pneus et des rochers enfermés dans des grillages métalliques. Elle laissait errer son regard dans le lointain, vers le phare à éclats du cap Manuel qui balayait par intermittence, d'un puissant flux de lumière rouge, la surface sombre de la mer.
Là-bas se trouvait la villa où, pendant deux semaines, en compagnie de Ngor Ndong, elle avait connu un bonheur ineffable.
Pensait-elle à son amant perdu? Etait-elle même en mesure de penser?
Elle restait plantée là, immobile, emmurée dans son mutisme que rien ni personne ne pouvait perturber, pendant des heures et des heures, avant de remonter se coucher, au petit matin.
Mais parfois, elle ne regagnait pas sa chambre, elle s’endormait couchée au pied du mur et passait là le reste de la nuit.
Comme en cette veille de la fête nationale, où, par une vague de froid qui, de mémoire d’homme, ne s’était jamais abattue sur le pays, Diodio, à son réveil l’avait retrouvée morte.
Abasse Ndione, Ramata, Gallimard, sept 2000.
Quelques axes de lecture
- Le destin tragique de Ramata Kaba
-Le cadre spatio-temporel
- Le point de vue du narrateur : focalisation interne, externe ou zéro ?
- Quelle est la tonalité du texte ? Justifiez
- Les valeurs des temps verbaux
- Repérage et interprétation de figures de style : comparaison, antithèse, métaphore, gradation, anaphore, etc.
- Donnez le sens des mots et expressions : plongée dans sa longue nuit- ineffable-léthargie- fleurs pourpres - par intermittence.
Orthographe :
La formation des mots
Le préfixe est une particule qui, placée devant le radical d’un mot, lui donne un sens nouveau[1].
Exemple : immobile : Le préfixe marque un sens négatif
Le suffixe est une particule qui, placée après le radical d’un mot, lui donne un sens nouveau.
Exemple : notable : Le suffixe « able » signifie la qualité ou la possibilité
- Décomposition des mots suivants en préfixe- radical et suffixe : harmonieusement ; retombait
Bon dimanche à tous !
15 /03/2015
[1] La Grammaire française, Nathan, 1988