Texte dix-septième 31/ 08/2014
-Les questions que tu me poses sont très simples, en vérité, dit brusquement Serigne Thierno, sans lever la tête. Trois questions : la première pourquoi ta petite fille est malade ? La deuxième dois-tu la laisser aller à Dakar où elle désire tant aller ? La troisième, quel sort Dieu lui réserve à Dakar ?
Il leva la tête vers Daro, et l’interrogea du regard. C’était parfait. La pauvre femme n’en revenait pas.
Pour la première question reprit-il, je n’ai rien vu d’anormal. Ni diable, ni sorcier. Tu n’ignores pas que ta fille est devenue femme il y a quelque temps ; elle est à un tournant critique de sa jeunesse. C’est tout. Sa maladie est un simple accès qui va passer, qui est passé.
Une pause.
-Cependant, je te donnerai un talisman pour la garantir contre le « beut » et le « tiat », car sa beauté est précoce et déjà plusieurs langues nomment cette beauté. Par ailleurs, tous les yeux qui regardent ta fille ne répandent pas le même fluide.
Yaye Daro respira :
-Pour la deuxième question, continua le Marabout, je vois que tu hésites à laisser partir ta fille pour Dakar. Tu n’as pas tort…
Une pause.
-Mais il faut pourtant, autrement elle tombera souvent malade entre tes mains. Déjà elle a beaucoup changé, son désir la tourmente : elle est trop jeune pour comprendre. Laisse-la y aller quelque temps, après on verra.
Une pause.
-Je peux, toutefois, te donner, en même temps que le talisman, du « safara[1] » destiné à lui faire perdre son idée. Tu verseras ce produit dans un aliment qu’elle doit manger, je ne te garantis pas tout de suite le succès. Dieu seul peut exaucer mes vœux. Il se tut un moment et termina :
-Quant à la troisième question, je vois que ta fille sera bien reçue par sa sœur et ceux qui vivent avec sa sœur. Tout le monde voudra faire sa connaissance, mais elle devra se méfier. Je vois que cette ville est très grande et qu’on peut y amasser autant de biens que de maux. Tu diras à ta fille ainée de suivre ta file cadette, pas à pas. Et je crois que tout ira bien pour la plus jeune.
Yaye Daro voulut poser ouvertement d’autres questions, mais le marabout sourit et la pria de l’excuser, disant que l’heure de la prière approchait. Yaye Daro pourrait revenir le lendemain chercher le talisman et le « safara » promis.
Abdoulaye Sadji, Maïmouna, pp. 59-62, cité par Makhily Gassama dans Kuma.
Quelques axes de lecture
- Le Marabout : un vrai devin
- Un voyage s’étudie comme dans le texte de Kourouma http://www.sunumbir.com/pages/un-dimanche-un-texte/extrait-des-soleils-des-independances.html
- Un univers de superstition : « tiat » ou mauvaise langue, « beut » ou mauvais œil : avec des outils pour se prémunir
- Un dialogue empreint de non-dits
- L’immaturité de Maï, source de désillusion non encore révélée
- Repérage de figures de style : Ellipse, antithèse, pléonasme, etc.
Point grammatical : La ponctuation
Les deux points et le tiret
1- Les deux points
Les deux points permettent [2]:
- D’indiquer de quels éléments se compose un ensemble ;
- De citer ou de rapporter les paroles de quelqu’un ;
- D’exprimer une explication.
Exemple : Trois questions : la première pourquoi ta petite fille est malade ? La deuxième dois-tu la laisser aller à Dakar où elle désire tant aller ? La troisième, quel sort Dieu lui réserve à Dakar ?
2- Le tiret
Il marque le changement d’interlocuteur
Exemple : - Les questions que tu me poses sont très simples, en vérité, dit brusquement Serigne Thierno, sans lever la tête.
A vos claviers, participez
[1] Eau bénite (note de l’auteur)
[2] Bescherelle, La grammaire pour tous, HATIER, Italie, 2008.