Texte proposè :
Encore une fois, par-delà ces différences de dogmes et de pratique, l’Islamisme et le Christianisme prêchent les mêmes vertus, et tendent vers le même but. Le grand précepteur du Christianisme est d’aimer Dieu par-dessus tout, et le prochain, c’est-à-dire les autres hommes, comme soi-même. Et Mahomet a dit : « Personne d’entre vous ne sera croyant s’il n’aime pas son frère comme il s’aime lui-même ». Jésus et Mahomet ont lutté, l’un et l’autre, contre le matérialisme et l’égoïsme individualiste, qui ont caractérisé, de tout temps, les civilisations athées et qui sont les marques de la civilisation du XXe siècle. Le but de l’Islamisme et du Christianisme, dans cette lutte, est de réaliser la volonté de Dieu. Car pour la réaliser, cette volonté, en gagnant le ciel, il faut réaliser ici-bas, la fraternité entre les hommes par la justice par tous les hommes. Or qu’est-ce que la justice si ce n’est l’égalité de chances donnée, au départ, à tous les hommes quelle que soient leur race ou leur condition, si ce n’est, avec le travail, la répartition équitable du revenu national entre les citoyens, du revenu mondial entre les nations, si ce n’est, enfin, la répartition équitable du savoir entre tous les hommes et toutes les nations ?
Comme quoi, les principes préconisés par le Socialisme ont été prêchés, depuis des siècles, par le Christianisme et l’Islam. Si le Socialisme européen nous a apporté des techniques efficaces à combattre la maladie, la misère et l’ignorance, son erreur a été de prendre les moyens pour des fins et, dans la recherche et l’élévation du niveau de vie, d’oublier celle du niveau de culture. Son erreur a été de confondre Science et Culture, accumulation des connaissances et style de vie. Son erreur a été de croire que le problème était de « domestiquer la nature », non de perfectionner l’Homme en le faisant vivre, harmonieusement, en symbiose avec a Nature et Dieu. L’Islam et le Christianisme peuvent nous aider à corriger les déviations de la civilisation scientiste, mécaniste et matérialiste du XXe siècle. Les philosophes et poètes de la seconde moitié du XXe siècle ont perçu ces déviations quand ils nous invitaient à retourner aux sources : à cet Orient, qui a été le berceau des grandes religions de l’Humanité, et d’abord du Christianisme et de l’Islam, à cette spiritualité sans laquelle nous ne serions que des animaux supérieurs.
Léopold Sédar Senghor, Liberté 1, Négritude et Humanisme, Édition du Seuil, 1964, pp305-306.
Discussion : Discutez l'idée selon laquelle les religions peuvent nous aider à corriger les déviations de la civilisation nées de la science.
Bon dimanche ! 26/07/2015