Texte choisi : " La mort du Révérend Père Gilbert " de Ferdinand Oyono
I - Présentation de l'auteur : En 1956, l'écrivain camerounais Ferdinand Oyono ( 1929-2010) publia son roman Une vie de boy. Il a publié deux autres romans Le vieux Négre et la médaille (1956) et Chemin d'Europe en 1960.
II- Texte : La mort du Père Gilbert
Mon père, mon bienfaiteur, le Révérend Père Gilbert est mort. On l'a trouvé ensanglanté, écrasé sur sa motocyclette par l'une des branches du fromager géant que les indigènes appellent " le broyeur des Blancs". On raconte que deux Blancs, Grecs ceux-là, avaient déjà subi le sort du Père Gilbert. Dans une atmosphère calme, le fromager avait lâché une de ses branches comme une massue titanesque sur la voiture des Grecs, juste au moment où elle passait sous ombre. On ne releva que deux pâtés dans du drill au milieu de la ferraille. Le commandant, qui était à Dangan à l'époque, parla d'abattre le fromager. Après l'enterrement des Grecs, tout fut oublié ... jusqu'à ce matin.
Tous les jeudis, le Père Gilbert se rendait en personne à Dangan pour aller chercher le courrier de la mission. Comme il était heureux à la pensée d'avoir une lettre de chez lui ! ... Dès que nous avions fini d'officier, il courait au garage et sortait sa motocyclette en s'essoufflant. Il m'appelait alors pour la tenir, pendant qu'il remontait sa soutane jusqu'à la ceinture tout en dévoilant ses jambes velues et son short kaki. Quand il était prêt, il reprenait son engin, s'asseyait lourdement dessus et m'ordonner de le pousser jusqu'à ce que la pétarade devint régulière. Il disparaissait à folle allure, me laissant un nuage de fumée et de poussière dont l'odeur d'essence me retournait le cœur.
Ce matin, le démarrage avait été plus difficile que d'habitude. Le Père Gilbert était descendu plusieurs fois de sa motocyclette et avait manipulé quelque chose dans le moteur. J'étais en nage à force de le pousser. Il jurait, tempêtait, traitait sa motocyclette de tous les noms. Jamais je ne l'avais vu aussi énervé. Enfin après deux ou trois soubresauts et un bruit de tonnerre, il démarra en trombe et je perçus à travers la fumée son buste légèrement courbé qui s'éloignait à vive allure comme celui d'un cul-de-jatte enchanté ... Qui m'aurait dit que c'était la dernière image que j'aurais du Père Gilbert ?
Ferdinand Oyono, Une vie de boy, 1956.
III- Quelques axes de lecture
- Quelle relation existe entre le narrateur et le Père Gilbert ?
- Des morts suspects , mystérieux
- Comment qualifiiez-vous le style du narrateur ? Qu'est-ce qui le frappe dans la dernière image qu'il garde du Père Gilbert ?
- Qu'est-ce qui explique l'appellation : " " le broyeur des Blancs".
- Repérage et interprétation de figures de style : comparaison, gradation, métaphore, hyperbole, personnification, etc.
- Indiquez la valeur des modes et temps verbaux
IV- Insistons sur :
1- La formation des mots
A- La préfixation :
Pour former des mots nouveaux, des préfixes sont placés devant certains mots. " Ils modifient le sens de ces mots sans en changer la classe."
Exemple : "ensanglanté"
B- La suffixation :
Ajouté au radical de certains mots, le suffixe est un élément dont on se sert pour former des mots nouveaux.
Exemples : "ensanglanté" / " ferraille "
2- Le gérondif
Le gérondif est formé par la préposition "en" et le participe présent.
Exemples : " en dévoilant ",
3- L'imparfait de l'indicatif exprime des faits qui durent dans le passé. Il exprime aussi une répétition dans le passé, une habitude.
Exemple : " Il jurait, tempêtait, traitait sa motocyclette de tous les noms."
4- Le plus-que-parfait, étant la forme composée de l'imparfait, exprime les mêmes nuances.
Exemple : " Dans une atmosphère calme, le fromager avait lâché une de ses branches ..."
5- Le pronom indéfini
" On" est un pronom indéfini sujet.
Exemple : " On l'a trouvé / On ne releva que ..."
6- La proposition subordonnée relative
Elle complète un nom. La subordonnée relative est introduite par un pronom relatif.
Exemple : Le commandant, qui était à Dangan à l'époque, parla d'abattre le fromager.
7- La proposition subordonnée complétive :
La subordonnée complétive est dans une position de dépendance directe par rapport au verbe de la principale. Indispensable à la phrase, elle e peut être ni supprimée, ni déplacée.
Exemple : On raconte que deux Blancs, Grecs ceux-là, avaient déjà subi le sort du Père Gilbert.
8- La proposition subordonnée temporelle
Elle est mobile dans la phrase et est introduite par une conjonction de subordination ou une locution conjonctive pour montrer l'antériorité, la simultanéité ou la postériorité de la subordonnée par rapport au fait exprimé par la proposition principale.
Exemple : "Dès que nous avions fini d'officier, il courait au garage et sortait sa motocyclette en s'essoufflant."
08/10/2017