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Le théâtre à l'honneur : Le Tartuffe de Molière

​Texte quatre-vingtième

Elmire

La déclaration est tout à fait galante ;

 Mais elle est, à vrai dire, un peu bien surprenante.

Vous deviez, ce me semble, armer mieux votre sein

Et raisonner un peu sur un pareil dessein.

Un dévot comme vous, et que partout on nomme...

Tartuffe

 Ah ! pour être dévot, je n’en suis pas moins homme ;

Et lorsqu’on vient à voir vos célestes appas,

Un cœur se laisse prendre, et ne raisonne pas.

Je sais qu’un tel discours de moi paraît étrange ;

Mais, Madame, après tout, je ne suis pas un ange,

Et si vous condamnez l’aveu que je vous fais,

Vous devez vous en prendre à vos charmants attraits.

 Dès que j’en vis briller la splendeur plus qu’humaine,

De mon intérieur vous fûtes souveraine.

De vos regards divins l’ineffable douceur

Força la résistance où s’obstinait mon cœur ;

Elle surmonta tout, jeûnes, prières, larmes,

Et tourna tous mes vœux du côté de vos charmes.

Mes yeux et mes soupirs vous l’ont dit mille fois,

Et pour mieux m’expliquer j’emploie ici la voix.

Que si vous contemplez d’une âme un peu bénigne

Les tribulations de votre esclave indigne,

S’il faut que vos bontés veuillent me consoler

Et jusqu’à mon néant daignent se ravaler,

J’aurai toujours pour vous, ô suave merveille,

Une dévotion à nulle autre pareille.

Votre honneur avec moi ne court point de hasard

Et n’a nulle disgrâce à craindre de ma part.

Tous ces galants de cour dont les femmes sont folles,

Sont bruyants dans leurs faits et vains dans leurs paroles ;

De leurs progrès sans cesse on les voit se targuer ;

Ils n’ont point de faveurs qu’ils n’aillent divulguer,

Et leur langue indiscrète, en qui l’on se confie,

Déshonore l’autel où leur cœur sacrifie.

Mais les gens comme nous brûlent d’un feu discret,

Avec qui pour toujours on est sûr du secret.

Le soin que nous prenons de notre renommée

Répond de toute chose à la personne aimée,

 Et c’est en nous qu’on trouve, acceptant notre cœur,

De l’amour sans scandale et du plaisir sans peur.

Elmire

 Je vous écoute dire, et votre rhétorique

En termes assez forts à mon âme s’explique.

N’appréhendez-vous point que je ne sois d’humeur

À dire à mon mari cette galante ardeur,

Et que le prompt avis d’un amour de la sorte

Ne pût bien altérer l’amitié qu’il vous porte ?

Moliére, Le Tartuffe, 1669, Acte III, scène 3, vers 961-1006.

                                                                                 Quelques axes de lecture

  • Tartuffe : un vrai faux dévot, un hypocrite, un imposteur qui poignarde dans le dos son bienfaiteur dans sa tentative de séduire Elmire, seconde épouse d’Orgon.
  • Une stratégie argumentative
  • Le registre comique
  • Qu’est-ce qu’une tirade ?
  • Relevez des didascalies dans ce passage.
  • Repérage et interprétation de figures de style : comparaison, métaphore, hyperbole, métonymie, parallélisme, etc.
  • Que symbolise l’emploi itératif de l’hyperbole par Tartuffe ?
  • Les valeurs des temps et modes verbaux 

Bon dimanche à tous !

 

Avertissement : « Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant, j’ai cru que, dans l’emploi où je me trouve, je n’avais rien de mieux à faire que d’attaquer par des peintures ridicules les vices de mon siècle. »

Premier placet de Molière à Louis XIV

29/11/2015

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Date de dernière mise à jour : dimanche 29 novembre 2015

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