I- Présentation de l'auteur : Daniel Pennac est un écrivain français né en 1944 au Maroc. Il a écrit plusieurs romans, essais, pièces théâtrales et bandes dessinées. Il a reçu plusieurs distinctions dont le Prix Renaudot en 2007 pour son roman Chagrin d'école.
II- Texte : Le livre dit tout
Étrange disparition que celle de la lecture à haute voix. Qu'est-ce que Dostoïevski aurait pensé de ça ? Et Flaubert ? Plus le droit de se mettre les mots en bouche avant de se les fourrer dans la tête ? Plus d'oreille ? Plus de musique ? Plus de salive ? Plus de goût, les mots ? Et puis quoi, encore ! Est-ce que Flaubert ne se m'est pas gueulée jusqu'à s'en faire péter les tympans, sa Bovary ? Est-ce qu'il n'est pas définitivement mieux placé que quiconque pour savoir que l'intelligence du texte passe par le son des mots d'où fuse tout leur sens ? Est-ce qu'il ne sait pas comme personne, lui qui a tant bagarré contre la musique intempestive des syllabes, la tyrannie des cadences, que le sens, ça se prononce ? quoi ? des textes muets pour de purs esprits ? À moi, Rabelais ! À moi, Flaubert ! Dosto ! Kafka ! Dickens, à moi ! Gigantesques brailleurs de sens, ici tout de suite ! Nos livres ont besoin de vie !
Il est vrai que c'est confortable, le silence du texte ... on n'y risque pas la mort de Dickens que ses médecins suppliaient de taire enfin ses romans ... le texte et soi ... tous ces mots muselés dans la douillette cuisine de notre intelligence ... comme on se sent quelqu'un en ce silencieux tricotage de nos commentaires ! ... et puis, à juger le livre à part soi on ne court pas le risque d'être jugé par lui ... c'est que, dès que la voix s'en mêle, le livre en dit long sur son lecteur ... Le livre dit tout.
L'homme qui lit de vive voix s'expose absolument. S'il ne sait pas ce qu'il lit, il est ignorant dans ses mots, c'est une misère, et cela s'entend. S'il refuse d'habiter sa lecture, les mots restent lettres mortes, et cela se sent. S'il gorge le texte de sa présence, l'auteur se rétracte, c'est un numéro de cirque, et cela se voit. L'homme qui lit de vive voix s'expose absolument aux yeux de ceux qui l'écoutent.
S'il lit vraiment, s'il y met son savoir en maîtrisant son plaisir, si sa lecture est acte de sympathie pour l'auditoire comme pour le texte et son auteur, s'il parvient à faire entendre la nécessité d'écrire en réveillant nos plus obscurs besoins de comprendre, alors les livres s'ouvrent grand, et la foule de ceux qui se croyaient exclus de la lecture s'y engouffre derrière lui.
Daniel Pennac, " Le droit de lire à haute voix", in Comme un roman, Gallimard, 1992.
III- Quelques axes de lecture
- Le charme de la lecture à voix haute
- La complicité entre l'auteur et le lecteur ( via le texte)
- Une série d'interrogations. Une série d'exclamations
- Au deuxième paragraphe, quel type de lecture oppose-t-on à la lecture à haute voix ?
- Observez bien le troisième paragraphe, quelle phrase l'encadre ( début et fin dudit paragraphe)
- Un texte riche en signes de ponctuation.
IV- Insistons sur :
1- La ponctuation
- Le point d'exclamation se place à la fin d'une phrase exclamative ou après une interjection." Il sert à exprimer un sentiment très vif."
Exemple : " Nos livres ont besoin de vie !"
2- La négation est construite en utilisant une locution adverbiale : ne ... pas, ne ... jamais, ne ... rien, ne ... pas du tout, ne ... plus, ne ... pas tellement, ne ... pas trop, ne ... point, ne ... aucunement, ne ... nullement, ne ... que, etc.
- La locution encadre le verbe à un temps simple.
- La locution encadre l'auxiliaire à un temps composé.
- La locution se place avant le verbe dans une phrase infinitive."
Exemple : " S'il ne sait pas ce qu'il lit, il est ignorant dans ses mots, c'est une misère, et cela s'entend."
03/01/2021