Texte quarante quatrième Elégie[1] pour Philippe-Maguilen Senghor
III
Et j’ai dit « non ! » au médecin : « Mon fils n’est pas mort, ce n’est pas possible ».
Pardonne-moi, Seigneur, et balaie mon blasphème, mais ce n’est pas possible.
Non ! non ! ceux qui sont mignotés des dieux ne meurent pas si jeunes.
Tu n’es pas, non ! un dieu jaloux, comme Baal qui se nourrit d’éphèbes.
De notre automne déclinant il était le printemps ; son sourire était de l’aurore
Ses yeux profonds, un ciel cristallin et frangé d’humour.
Il était vie et raison de vivre de sa mère, lampe veillant dans la nuit et la vie.
Brutalement, tu nous l’as arraché, tel un trésor le voleur du plus grand chemin
Qui nous a dit : « La route est fatiguée, le marigot est fatigué, le ciel est fatigué ».
Nous avions tout donné à ce pays, à ce continent nôtre :
Les jours et les nuits et les veilles, la fatigue la peine et le combat parmi les nations assemblées.
Or Sénégalaise aux Sénégalais s’était voulue la Normande de long lignage, aux yeux de moire vert et or.
[…]
Léopold Sédar SENGHOR
Quelques axes de lecture
- Une perte cruelle
- Un père-poète meurtri
- L’impact du style direct
- L’emploi itératif de la négation
- Le passage de la première personne du singulier à la première personne du pluriel
- Repérage et interprétation de figures de style : comparaison, métaphore, allégorie, personnification, gradation, hyperbole, anaphore, etc.
Bon dimanche à tous !
[1] Poème plaintif