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Véronique Petetin

Un dimanche, un texte

Texte choisi : « L'hospitalisation est nécessaire »

I. Présentation de l’auteur : Experte en atelier d'écriture, Véronique Petetin est titulaire d'un Doctorat de lettres. Passionnée de littérature, elle publie en 2016 un livre émouvant intitulé Renaître au monde"

II. Texte :

      Une nuit, une silhouette s'approche, touche ma hanche droite, son souffle effleure mon visage. Il dit "n'aie pas peur, je reviendrai." Il faut donc entrer dans les aggravations meurtrières, y plonger, se laisser emporter, on ne sait où. Il n'y a pas de choix pour cela.
         L'hypertension résiste aux médicaments. Les chevilles gonflent, les jambes se remplissent d'eau. Déjà, un doigt appuyé sur la peau laisse une marque profonde dans les tissus gorgés de liquide. Il devait bien venir, cet instant du trop tard ; qu'ai-je fait ? La boulimie a patiemment fait son travail. Tous les petits vaisseaux sanguins se sont rompus sous la pression du sucre. Leurs microhémorragies se diffusent dans le corps. Au fond des yeux, la rétine saigne. Les rayons laser brûlent les fuites, colmatent, il n'y pas d'anesthésie possible, des aiguilles chauffées à blanc s'enfoncent dans l'œil.
           Avec l'insuffisance rénale, les hypoglycémies sont de plus en plus imprévisibles et violentes. Elles font perdre toute conscience des actes et des paroles, mais ne les empêchent pas. Le cerveau disjoncte, l'abîme s'ouvre, un corps ivre s'en approche. Cela survient en toutes circonstances,  dans la rue, au travail,  avec des amis. Se peut-il que personne ne perçoive cet effondrement intérieur, que la façade tienne au point que rien ne se laisse voir de la démolition du dedans ? Pourtant, il y a parfois un matin de mai, un petit-déjeuner dans un café avec un rayon de soleil. Le corps menacé se pose et les yeux regardent les enfants à la peau noire jouer dans les rues de la Goutte d'Or.
          La sensation est d'entrer de plus en plus dans une profonde coupure. Il y a un être social, qui travaille, parle, se déplace, et un être sans nom qui se meurt. Là n'est pas une métaphore. L'organisme en insuffisance rénale est engagé dans un processus irréversible qui mène à la mort. C'est une réalité biologique que les discours médicaux ne peuvent pas défaire. " Vous irez en dialyse, on ne meurt plus d'insuffisance rénale depuis trente ans. " Qui aurait la force de dire : " Vous vivez en ce moment une expérience terrible et vos viscères ne savent pas que l'hémodialyse existe et qu'elle les fera survivre. "
          Les bourdonnements dans les oreilles sont des halètements d'angoisse, des pulsations sourdes du cœur affolé. Il y a les vertiges, les éblouissements, les vacillements, les tensions dans la nuque, la tête, le dos. Le soleil brûle les yeux au point de les rendre aveugles. L'ombre glace, tout le corps claque de froid. " L'hypertension provoque des troubles visuels, des maux de crâne, la déficience rénale altère la régulation thermique du corps, freine la fabrication des globules rouges et déclenche l'anémie : toutes ces manifestations sont normales." Vous mourrez ? Bien sûr, puisque vos reins ne marchent plus, comme votre pancréas, lui depuis dix-huit ans. Allez, ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Il y aura des issues pour vous, mais faîtes attention à vos yeux, pour eux, nous n'avons pas de solution de rechange.
           Denis est mince, presque impalpable. Nous habitons la même rue. Il m'emmène souvent dîner dans un restaurant de Château-Rouge, où nous mangeons du ndollé, entourés de visages noirs. Il est médecin, s'inquiète des aggravations, parle avec douceur. La robe achetée à Conakry, dans son bleu d'eau pâle, est parfaite. Il est indispensable d'être amoureuse. Denis porte chez moi des légumes biologiques, des céréales complètes, des livres et des revues sur l'Afrique. Chez lui, je m'allonge sur le tatami japonais ou le suspends sur le hamac, feuillette ses innombrables journaux, bois les jus de fruits frais qu'il me prépare. Denis me téléphone souvent, et sa voix est tendre. La maladie s'estompe auprès de lui, peut-être parce qu'il n'en a pas peur. Mais un jour une déflagration traverse le corps. Les analyses de sang faites en urgence montrent que la situation a passé un cap dans l'aggravation. L'hospitalisation est nécessaire.
                              Véronique Petetin, Renaître au monde : journal d’une greffe, Editions Itinéraires, 2016

 

     

III. Quelques axes de lecture

- Un poignant récit

- Une souffrance physique et morale

-  La formation des mots : préfixe, radical,  suffixe

- La formation des adverbes en "emment'

- Le discours direct

IV. Insistons sur :

  1. Les adverbes en « emment »

Pour former les adverbes de manière des adjectifs qualificatifs qui se terminent par –ent, on écrit « emment ».

Exemple : « patient » - patiemment

2. Conjugaison du verbe mourir au futur simple de l’indicatif

Mourir

Je mourrai

Tu mourras

Il  mourra

Nous mourrons

Vous mourrez

Ils mourront

Lien utile : https://www.sunumbir.net/pages/langue-francaise-bon-emploi/les-adverbes-en-amment-et-en-emment.html

02/06/2024

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Date de dernière mise à jour : dimanche 02 juin 2024

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